Sur LinkedIn, les utilisatrices ont mené une expérience. En modifiant leurs paramètres au masculin, le réseau social professionnel a augmenté la visibilité de leur profil. Les algorithmes révèlent à nouveau leurs biais sexistes.

Faut-il être un homme pour être visible sur LinkedIn ? C’est la question qui agite le réseau social professionnel depuis quelques jours. Tout est parti du Royaume-Uni où plusieurs utilisatrices de la plateforme ont modifié leur profil pour se faire passer pour des hommes. Résultat : leur visibilité a augmenté.
Adopter le « bro-coding »
Des utilisatrices ont pris un nom d’homme et modifié leur pronom « elle » par « il ». Certaines ont eu recours à l’intelligence artificielle pour reformuler leurs anciennes publications selon un « bro-coding », c’est-à-dire un langage « codé masculin », avec des mots tels que « stratégique » et « leader ». D’autres, ont même ajouté une moustache sur leur photo de profil. Le but ? Attirer l’attention de l’algorithme de LinkedIn.
Selon ces utilisatrices, présenter un profil masculin maximiserait la visibilité sur le réseau social. Les exemples qui leur donnent raison sont pléthores. Jo Dalton, une entrepreneure britannique, a augmenté sa visibilité de 244% : « J’ai changé mon pronom sur LinkedIn et, sans intervenir, j’ai battu mes propres records d’engagement. (…) Me voici donc avec une moustache collée, par pur intérêt scientifique, afin de voir si je peux tromper l’algorithme en lui faisant croire que je suis un homme », écrit-elle dans une publication. Autre exemple : Megan Cornish, experte en communication pour les entreprises spécialisées dans les technologies liées à la santé mentale, a utilisé l’IA pour réécrire d’anciennes publications et les adapter à des codes masculins. L’effet est immédiat : sa visibilité augmente de 415% la semaine qui suit, comme elle en témoigne auprès du journal The Guardian.
Cette expérience permet également à ces professionnelles de voir leur travail davantage valorisé. C’est le cas de la journaliste britannique Rosie Taylor dont la newsletter a gagné 161% de visibilité à la suite de ce changement de profil.
L’expérience a même été menée par certains utilisateurs, qui ont, à l’inverse, affiché une identité féminine. Résultat : ils ont constaté une baisse de visibilité de leur profil.
LinkedIn : miroir des inégalités au travail
En révélant les biais de genre présents dans l’algorithme de LinkedIn, les utilisatrices exposent l’ampleur des discriminations sexistes qui persistent encore dans le monde professionnel. Si un langage « codé masculin » est valorisé par le réseau social, c’est qu’une culture professionnelle viriliste fait encore office de modèle.
Après que l’expérience ait pris de l’ampleur, LinkedIn a réagi et nie l’existence de biais dans son système : « Nos algorithmes n’utilisent pas le genre comme critère de classement et le fait de changer de genre sur votre profil n’a aucune incidence sur la façon dont votre contenu apparaît dans les résultats de recherche ou le fil d’actualité », déclare un porte-parole de LinkedIn à l’AFP. L’actuel système du réseau social se sert de l’intelligence artificielle pour classer les publications sur son fil d’actualité. La diffusion de ces différents posts est organisée selon leur contenu, l’identité professionnelle et les compétences de chaque profil. Or, l’IA a de nombreuses fois été pointée du doigt pour les nombreux biais genrés, voire sexistes, qu’elle perpétue. Lire : « IA et sexisme : qui paie ? pour propager quoi ?«
Ça ne serait pas la première fois que l’algorithme d’un réseau social invisibilise les femmes. Mais être invisibilisé sur LinkedIn impacte concrètement la carrière des femmes. La plateforme favorise le réseautage. Or, si elles passent inaperçues par rapport à leurs confrères, les femmes n’auront pas accès à de meilleures opportunités de carrière.
« J’avais prévu de le faire pendant un mois entier. Mais chaque jour où je le faisais, les choses s’amélioraient, ce qui me rendait de plus en plus furieuse », témoigne Megan Cornish. Triste constat : en 2025, la meilleure chance pour une femme de réussir professionnellement est d’être un homme…
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