À la verbalisation de l’outrage sexiste envisagée par le gouvernement, le Haut Conseil à l’Égalité préfère une autre voie : « s’appuyer sur l’infraction existante d’agissement sexiste ». Explications.
Comment sanctionner les auteurs de harcèlement dit « de rue » ? Le 28 février, les ministres Nicole Belloubet, Gérard Collomb et Marlène Schiappa confirmaient la création d’une infraction d’« outrage sexiste ». Il s’agira, selon la proposition d’un groupe de travail parlementaire, de verbaliser « tout propos ou comportement ou pression à caractère sexiste ou sexuel qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit qui crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »
Toutefois le HCE, dans un avis rendu lundi 19 mars à Marlène Schiappa, propose une autre approche juridique. Sur le fond, pas de désaccord : le Haut Conseil « soutient l’objectif de fixer un interdit pour des comportements qui, au quotidien, empoisonnent la vie des femmes, dans la rue comme ailleurs ». Mais l’instance, qui s’était auto-saisie de la question, « exprime des réserves vis-à-vis du terme d’outrage sexiste », les occurrences actuelles de l’outrage dans le code pénal renvoyant « à une injure ou une offense grave », un délit passible de prison. Le Haut Conseil propose alors de « s’appuyer sur l’infraction existante d’agissement sexiste ».
L’agissement sexiste est une notion qui a été intégrée au Code du travail en 2015. Il est défini comme « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. ».
Le HCE propose d’adapter cette définition au harcèlement dans l’espace public en faisant en sorte de « définir les faits qu’il recouvre, à savoir les paroles, gestes ou menaces, écrits ou images de toute nature », et de « punir également les atteintes à connotation sexuelle ».
Autre point de divergence avec le projet du gouvernement : la hauteur de la sanction. La piste des ministres est celle d’une amende de 4ème classe (entre 90 et 350 euros), voire de 5ème classe (jusqu’à 1500 euros) en cas de circonstance aggravante. Le HCE souhaite frapper plus fort en sanctionnant cette infraction directement d’une amende de 5ème classe – ce qu’il juge « cohérent avec l’arsenal existant » – et d’en faire un délit lorsqu’il est commis par plusieurs individus « en réunion ».
Il y a bien peu de chances que le gouvernement retienne cette version. Le projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes, qui intégrera ces dispositions sur le harcèlement dans l’espace public, est déjà rédigé et a été examiné par le Conseil d’État. Il sera présenté en Conseil des ministres ce mercredi 21 mars. Mais ces propositions alternatives pourront nourrir le débat parlementaire.