Selon une étude sur le vote des femmes en France, le flou persiste autour du féminisme. Si une majorité des électeurs et électrices, à gauche comme à droite, se disent favorables à l’égalité entre les femmes et les hommes, un anti-féminisme venu de l’extrême-droite menace.

Comment votent les femmes aujourd’hui ? Quelles sont leurs priorités ? Et quels sont les clivages persistants ? Ce sont les questions posées par la Fondation Jean Jaurès et l’Assemblée des femmes dans une nouvelle étude révèlant une montée de l’anti-féminisme, même du côté des électrices, qui ont été 31,5%, (pour 36,5% des hommes), à voter pour l’extrême droite lors des élections législatives en juillet dernier.
Près de 90% des Français.e.s se disent favorables à l’égalité hommes-femmes. 91% des femmes et 85% des hommes se prononcent pour des mesures allant dans ce sens.
Les Français, frileux à se revendiquer féministes
Alors que 200 hommes viennent de signer une tribune contre la domination masculine, une prise de conscience collective serait-elle en cours ? « Le débat que soulève entre autres actuellement le procès de Mazan indique que nous commençons à effleurer le sujet mais que l’introspection individuelle devra se poursuivre à titre collectif », insiste l’étude.
Lire : « La tribune des hommes contre la domination masculine diversement appréciée«
En effet, lorsque la question est reformulée « Êtes-vous féministe ? », les proportions chutent : seulement 6 Français.e.s sur 10 acquiescent. Les femmes sont nombreuses à refuser l’appellation féministe : 36%, alors qu’elles sont seulement 9% à déclarer ne pas être en faveur de l’égalité. Chez les hommes, ils sont 42% à répondre négativement.
Pourquoi une telle réticence à se déclarer féministe alors même que la définition du féminisme est précisément de vouloir l’égalité entre les femmes et les hommes ? « Quand [les hommes] vont-ils comprendre que lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes concerne tout autant les premières que les seconds ? », interpelle l’étude. Un obstacle persiste : « Le mot « féministe » est encore entaché de ces représentations stéréotypées, particulièrement de la part des franges conservatrices et d’extrême droite qui en dévoient le sens. »
Masculinistes, tradwives, … l’anti-féminisme gagne du terrain
Et ce n’est pas tout ! L’extrême droite n’a jamais rassemblé autant de voix, n’a jamais été aussi présente dans les médias et le débat public. Avec la montée de ce parti, l’anti-féminisme se répand : valeurs ultra conservatrices, anti-avortement, contre l’éducation à la vie affective et sexuelle à l’école, contre le mariage pour tous… la liste est longue. « Les électeurs et électrices d’extrême droite constituent l’électorat le plus opposé à l’égalité femmes-hommes : 41% de Reconquête !, 22% de la droite souverainiste, 19% des LR-RN ; 16,4% du RN », évalue le rapport.
Toutefois, 53% des électrices positionnées très à droite se disent féministes selon l’étude de la Fondation Jean Jaurès. Ce féminisme d’extrême droite est revendiqué par, entre autres, le collectif xénophobe Némési ou l’autrice Marguerite Stern, régulièrement décriée pour des propos transphobes. Durant sa campagne pour les Européennes, le président du RN Jordan Bardella a posté une vidéo dans laquelle il tentait même de faire croire que son parti se rangeait du côté des femmes. Une hypocrisie qui veut dissimuler la montée de l’anti-féminisme et, du même coup, celle de l’idéologie masculiniste. En janvier 2024, le Haut Conseil à l’Égalité alertait déjà quant à une recrudescence des discours masculinistes sur les réseaux sociaux et du sexisme chez les jeunes hommes. Selon ce précédent rapport, 37% des hommes considèrent que le féminisme menace leur place dans la société. (Lire : « Face au réarmement du sexisme, le HCE appelle à agir« )
À cela s’ajoute le succès des tradwives. Derrière l’image de la parfaite ménagère que ces influenceuses partagent sur les réseaux sociaux, se cache une soumission économique et sexuelle à leur mari. Certaines sont suivies par des centaines de milliers de personnes. L’émission Envoyé spécial du 10 octobre 2024 plonge au cœur des rouages de cette idéologie et lève le voile sur l’engouement des jeunes Américaines pour ce modèle traditionnel. Elles se déclarent ouvertement anti-féministes et expriment leur souhait de voir Donald Trump réélu président en novembre prochain. Un vote qui peut être déterminant.
Retour du « radical gender right gap » ?
Jusqu’à présent, un radical gender right gap – « concept de science politique tendant à expliquer la tendance des femmes à moins voter pour l’extrême droite que les hommes » explique l’étude – persistait. Or, lors des dernières élections législatives en France, il y a eu presque autant de femmes que d’hommes à voter pour l’extrême droite. Ce n’était pas le cas il y a encore quelques années. Pour la Fondation Jean Jaurès et l’Assemblée des femmes, reste à voir si « lors des prochaines échéances électorales un radical gender right gap se rétablira ou non ».
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