En accusant les députées féministes d’ « hystériser le débat », Aurélien Pradié veut écrire une fausse histoire des combats féministes. Ambition stoppée par la présidente de l’Assemblée Nationale et par Clémentine Autain.
« Certaines ne cessent d’hystériser les débats ». Dans la soirée du mercredi 24 janvier, lors d’un nouvel épisode de débats sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le député Les Républicains Aurélien Pradié a pris la parole sans rien apporter à la réflexion. Une sorte de poussée irrépressible de sexisme (à voir sur le site de l’Assemblée Nationale vers 5h23’30).
« Peut-être vais-je paraître un peu brutal en le disant » a-t-il commencé tout mielleux. Il a affirmé que les femmes avaient eu de la chance d’avoir Simone Veil pour faire voter la loi sur le droit à l’IVG en 1975 et qu’elles avaient beaucoup de chance aujourd’hui d’avoir des parlementaires hommes et femmes prêts à voter cette loi. Pointant un index rageur vers les bancs de la gauche, il a voulu dire que « le féminisme, le vrai » n’avait rien à voir avec « certaines d’entre vous qui ne cessent d’hystériser les débats. »
Aurélien Pradié recadré
Brouhaha dans l’Hémicycle. Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée Nationale a immédiatement interrompu le député. « Monsieur Pradié, s’il vous plait, les débats se découlaient très bien, ce sont vos propos qui mettent de l’huile sur le feu à l’instant. Ce n’est franchement pas digne de cette assemblée et de nos débats. Non, franchement pas. »
Et le député a eu le culot de répondre, sous les applaudissements d’un de ses collègues LR, « il n’y a dans mon propos aucune intention d’hystériser… j’avais l’intention de m’exprimer pour dire que j’allais voter ce texte, mais depuis que je suis assis ici à mon banc, lorsque j’entends certaines de mes collègues ici s’exprimer, je m’interroge sur mon vote final… » Et de faire l’éloge du garde des Sceaux -un homme !- tout en recommençant à attaquer les députées féministes.
La réécriture de l’histoire du droit à l’avortement par les descendants de ceux qui s’y opposaient farouchement est un classique. Alors la députée LFI Clémentine Autain, visiblement interloquée par ce qu’elle venait d’entendre a gardé son calme et remis l’histoire à l’endroit.
« Que le jour où nous avons un débat sur l’avortement un élu sur les bancs de la droite se permette d’accoler le mot hystériser aux féministes qui ont défendu le droit à l’avortement, c’est honteux ! Honteux ! et visiblement, pour ce qui est de l’Histoire et de l’Histoire des femmes, vous n’avez pas l’air très au courant. Oui, nous pouvons rendre hommage à Simone Veil qui, dans cet Hémicycle, a affronté vos prédécesseurs sur vos bancs qui ont été ignobles, absolument ignobles, en 1975. Et oui, elle a été courageuse. Mais la loi de 1975, nous la devons d’abord et avant tout aux femmes féministes, aux millions de femmes qui étaient dans la rue, aux 343 femmes qui ont signé un appel en disant qu’elles se mettaient hors la loi. Ça c’était de la désobéissance civile que vous critiquez matin midi et soir. 343 qui ont dit ‘nous avons avorté’ alors que c’était interdit. Toutes ces femmes nous devons leur tirer notre chapeau et pas les traiter d’hystériques. »
Clémentine Autain
La député Sandrine Rousseau a ensuite expliqué au député ce que signifiait le mot « hystérie ».
Réécrire l’histoire des combats féministes est un grand classique chez les anti-féministes hypocrites. Le plus souvent cette histoire est ignorée pour oublier la dureté de la conquête des droits des femmes. Souvent, des élus de droite ignorants ou pervers s’approprient les combats de Simone Veil, lui font dire ce qu’elle n’a pas dit et dépouillent les combattantes féministes de leurs victoires.
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