Aujourd’hui on se réjouit de la trajectoire d’Hafsia Herzi. En quinze ans, cette tenace jeune femme est devenue une comédienne reconnue et une réalisatrice talentueuse. Son troisième film est en compétition au Festival de Cannes.
Mais si, vous connaissez cette comédienne ! Hafsia Herzi a été découverte dans « La graine et le mulet » d’Abdellatif Kechiche par une très longue scène de danse du ventre dans un repas de fête. La jeune femme était chargée de faire patienter les convives car la graine du couscous n’arrivait pas. A 20 ans elle a reçu le César du meilleur espoir féminin pour ce rôle qui ne consistait – heureusement- pas seulement à danser.
Née à Manosque, d’origine tunisienne par son père et algérienne par sa mère, elle a su faire sa place dans le jeune cinéma français. Elle aurait pu se contenter de jouer pour les autres, ce qu’elle fait avec succès depuis quinze ans. Récemment sage-femme solitaire dans « Le Ravissement » ou gardienne de prison dans « Borgo », qui lui a valu un deuxième César.
Mais Hafsia Herzi a aussi réussi à passer derrière la caméra en autodidacte. Notamment pour donner davantage de place aux personnages maghrébin.e.s, transformant les habituels clichés en êtres humains. Chacun de ses films de réalisatrice a monté les marches cannoises. D’abord frustrée que personne ne lui fasse confiance, elle s’est lancée avec les moyens du bord et une bande d’amis comédiens et techniciens dans un film sauvage : « Tu mérites un amour » a été sélectionné à la Semaine de la Critique en 2019.
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Ce succès d’estime lui permet de trouver les moyens de financer le projet suivant qui lui tenait à cœur, « Bonne mère ». Le portrait d’une mère de famille marseillaise, inspiré de sa propre mère qui a élevé ses enfants seule. Le film est présenté dans la section Un Certain regard en 2021, l’année où Julia Ducournau remporte la Palme d’Or. Quatre ans plus tard, revoici Hafsia Herzi sur la première marche du Palais, en compétition officielle, avec sa « Petite dernière ». Cette adaptation du roman autobiographique qui a révélé la jeune Fatima Daas lui a été apportée par deux productrices de June Films.

« La petite dernière » : critique express
« Je m’appelle Fatima » : chaque chapitre du livre de Fatima Dass paru en 2020 commence par cette phrase et présente une facette de la personnalité d’une jeune algérienne écartelée entre ses convictions, ses désirs : musulmane pratiquante, banlieusarde étudiant la philo à Paris, promise au mariage mais attirée par les filles. Délicat portrait d’une jeune femme silencieuse mais aux émotions à fleur de peau, « La petite dernière » évoque ses difficultés d’émancipation par rapport à la famille la religion et le milieu social. Mais aussi sa découverte du milieu queer parisien, à la fois militant et festif, qui conquiert Fatima. Même quand tout se déroule en douceur, la liberté est une denrée difficile à acquérir. Un film « coming of age » comme disent les Américains, mais à la française, ce qui fait toute la différence.
« La petite dernière » de Hafsia Herzi (fiction, France, 1h46), avec Nadia Melliti, Park Ji-Min, Amina Ben Mohamed. Produit par June Films, distribué par Ad Vitam, en salles le 1er octobre 2025. En compétition officielle Cannes 2025.