Le 8 juillet, après l’échec de la motion de rejet déposée par La France Insoumise et le groupe écologiste, la loi Duplomb a été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale. Présente dans l’Hémicycle au moment du vote, la militante Fleur Breteau a exprimé sa colère.
La fondatrice du collectif Cancer Colère avait averti les député·e·s en amont de la séance : « Si vous votez pour la loi Duplomb, si vous vous abstenez, nous vous considérerons comme des alliés officiels du cancer. Cette loi est un détonateur ». Cette loi controversée censée « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » met en danger les populations exposées. Soit chacun·e d’entre nous, et les agriculteur·ice·s les premier·ère·s.
La FNSEA écoutée, Les scientifiques ignorés
Avec 316 voix pour, 223 contre et 25 abstentions, la loi Duplomb a été adoptée par l’Assemblée nationale sans trop d’encombres. Elle réintroduit l’acétamipride, interdit en France depuis plus de cinq ans. Cette substance de la famille des néonicotinoïdes est dite indispensable pour les cultures de noisette et de betterave : le gouvernement affirme que son utilisation sera strictement encadrée. « On parle d’un produit qui est autorisé partout en Europe, sauf en France ; dont on a besoin dans quelques productions, de manière encadrée, dérogatoire, pour une durée limitée. Vous voyez bien qu’on n’est pas en train de faire n’importe quoi », martèle Arnaud Rousseau, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).
« Au moins deux études expérimentales faites par des laboratoires académiques, dont une en 2022, montrent que ces néonicotinoïdes sont capables de provoquer, notamment, des cancers du sein », rappelait dans l’Humanité la vice-présidente de la Ligue contre le cancer Francelyne Marano. Cette professeure émérite en toxicologie n’est d’ailleurs pas convaincue par les garde-fous que promet le gouvernement : « C’est exactement ce qui s’est passé avec le chlordécone. D’abord une expérimentation d’un an, puis un autre et on a fait ça pendant dix ans avec une contamination de tous les milieux et de la chaîne alimentaire ». Elle dénonce également la persistance de ces produits toxiques, qui finiront forcément par impacter la santé des Français·e·s.
Au contraire, des militant·e·s de la lutte contre le cancer demandent un moratoire sur les pesticides pour endiguer le « tsunami » qui guette la France, selon les termes du directeur de l’Institut Gustave Roussy, Fabrice Barlesi. Fleur Breteau rappelle que l’incidence de six cancers n’a pas cessé de croître depuis 20 ans, « alors que la consommation de tabac et d’alcool recule ». Au niveau international, le nombre de cancers chez les moins de 50 ans a augmenté de 80%
Politiser le cancer
Avec sa veste verte, son rouge à lèvres flashy, et sa parole engagée, Fleur Breteau est devenue, ces derniers jours, l’un des visages de la lutte contre le cancer. Elle-même touchée par un cancer du sein, « le deuxième en quatre ans », elle a fondé le collectif Cancer Colère en janvier, le lendemain de l’adoption du texte par le Sénat. Malgré cette maladie qui l’affaiblit, elle s’insurge contre ce système qui est « en train de se retourner contre nous », selon ses termes employés lors d’une interview dans Reporterre.
« Mécaniquement, répandre de l’acétamipride sur 50 0000 hectares en France ça va signifier contaminer à leur insu des milliers de personnes qui vont développer des pathologies », alertait-elle en amont du vote du 8 juillet. Tout au long de cette campagne contre la loi Duplomb, Fleur Breteau évoquait sa volonté de « politiser les cancers en les rendant visibles ». « C’est une épidémie avec des causes structurelles : l’usage hasardeux des pesticides et les inégalités sociales en sont deux », explique-t-elle. « J’en ai marre de me taire. Les politiques parlent du cancer comme une notion abstraite. Alors que non, ça n’a rien d’abstrait ».
Les femmes sont d’ailleurs plus touchés par les cancers hormonodépendants, comme les cancers du sein ou de l’ovaire, pour lesquels un lien a été établi avec certains pesticides, comme le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT, interdit depuis 1971). Si des études d’ampleur sur les effets de l’acétamipride manquent encore, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a établi en 2013 – et à nouveau en 2021 – « un lien entre l’exposition aux pesticides et certains cancers ». L’Inserm, cité par la Ligue contre le cancer au lendemain du vote, évoque en effet une présomption forte pour les cancers du système lymphatique, les cancers du sang, « ainsi que les cancers de l’enfant suite à une exposition pendant la grossesse ».
La situation n’est pour autant pas sans espoir. Plusieurs député·e·s du bloc de gauche ont par exemple annoncé saisir le Conseil constitutionnel dans les prochains jours « afin de faire échec à ce texte régressif ». Côté citoyen, la Ligue contre le cancer poursuit son programme « Ma ville se ligue » auprès des collectivités pour mieux informer les riverain·e·s les plus exposé·e·s, et ainsi « lutter contre les 40 % de cancers évitables ».
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1 Commentaire
Baffouer les scientifiques c’est laisser l’obscurantisme s’installer… Honte à tous ces gens animés par le déni !