Deux films forts ce 24 septembre : la voix d’une jeune palestinienne assassinée à Gaza ; les voix des femmes sauvées par un médecin en République démocratique du Congo. Un documentaire, une fiction, deux films de réalisatrices : l’iranienne exilée Sepideh Farsi et la belge Marie-Hélène Roux.
« Put your soul on your hand and walk » : “pose ton âme sur ta main et marche”

On pourrait le résumer ainsi : en avril 2024, une cinéaste iranienne filme ses conversations en ligne avec une jeune photographe palestinienne de Gaza, Fatma Hassona. Et conclure comme ça : Après 200 jours de dialogue, malgré les bombes, le manque de nourriture, les coupures d’électricité et les problèmes de connexion, Fatma a été tuée le 16 avril 2025 avec sa famille alors que le documentaire était terminé. Ce sont les faits dans toute leur brutalité. Mais ce qu’on retient de Fatma, 24 ans, l’âge de la fille de la réalisatrice, c’est d’abord un immense sourire en étendard. Et un immense courage : la phrase titre du film (littéralement, « Pose ton âme sur ta main et marche ») est le mantra de Fatma quand elle sort dans les ruines prendre des photos malgré les snipers. Il reste de cette jeune fille ce documentaire, ses magnifiques photographies des humains, seules tâches de couleurs dans les ruines de Gaza (un livre va être édité), et ses poèmes qui évoquent la mort et le bonheur perdu. Le fossé est immense entre la vie de Fatma et celle de la documentariste Sepideh Farsi, qui appelle de France, d’Italie ou du Canada au gré de ses voyages pour accompagner un de ses films en festivals. Quand parfois la cinéaste ne sait plus quoi dire, son impuissance nous renvoie à la nôtre. Mais demeurent le témoignage et le courage. « Elle m’a prêté ses yeux pour voir Gaza où elle résistait en documentant la guerre, et moi, je suis devenue un lien entre elle et le reste du monde, depuis sa « prison de Gaza » comme elle le disait » conclut la réalisatrice.
« Put your hand on your soul and walk » de Sepideh Farsi, (documentaire, France, Palestine, Iran, 112 minutes), avec Fatma Hassona. Produit par Rêves d’eau production, distribué par New Story. Sélection Acid Cannes 2025.
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« Muganga » : « celui qui soigne »
« Muganga » dresse le portrait d’un célèbre médecin congolais, Denis Mukwege, qui soigne des femmes violées en République démocratique du Congo depuis trente ans. Les soldats qui commettent plus 3000 viols chaque année laissent les femmes vivantes pour terrifier les villageois et les éloigner des lieux d’extraction de minerais indispensables à la fabrication de téléphones portables. Un documentaire « L’homme qui répare les femmes » était sorti en 2015, aujourd’hui c’est par la fiction que la réalisatrice Marie-Hélène Roux veut dénoncer ces crimes. Son film se base sur la rencontre réelle de Denis Mukwege (incarné par Isaach de Bankolé) avec Guy-Bernard Cadière, chirurgien belge. Vincent Macaigne joue ce chirurgien surdoué venu aider à l’hôpital de Panzi. Mukwege fait preuve d’un courage immense, reconstruisant un hopital quand le sien est détruit, s’exilant brièvement en Belgique suite à une tentative d’assassinat car sa ténacité médiatisée gêne les riches propriétaires des mines et l’Etat de la RDC. Prix Nobel de la paix en 2018, il continue aujourd’hui son travail sous haute protection.
La réalisatrice, Marie-Hélène Roux, porte ce film depuis dix ans avec sa productrice Cynthia Pinet : elle qui a grandi en Afrique, qui connait l’hôpital de Panzi, a tenu à laisser une grande place aux femmes survivantes qui se reconstruisent et restent travailler à l’hôpital. Ce sont elles qui ont fait revenir Mukwege de son exil en Belgique. « Je les répare, elles me réparent » résume le médecin. Sa position contre l’avortement n’est pas dissimulée, elle est l’occasion d’une dispute homérique avec le chirurgien belge qui ne réussira pas à convaincre Mukwege.
« Muganga » a reçu trois prix au dernier festival d’Angoulême (dont le prix du public). La star américaine Angélina Jolie, militante des droits humains, qui a rencontré le médecin en 2013 en RDC, a annoncé dans Variety qu’elle rejoignait – mais un peu tard ? – l’équipe en mettant sa notoriété au service du film. Et le chanteur Gims a offert à l’équipe une chanson pour le générique. La mobilisation n’est pas éteinte.
« Muganga, celui qui soigne» de Marie Hélène Roux, (France Belgique, 1h45, drame) avec Isaach de Bankolé, Vincent Macaigne, Manon Bresch, Babetida Sadjoet Déborah Lukumuena, produit par Les Petites Poupées, distribué par L’atelier de distribution. Interdit aux moins de douze ans.