Alors que le #MeToo Police grandit, la cour d’appel de Paris souhaite systématiser la présence de policière dans l’équipe de nuit au dépôt du tribunal de Bobigny. Encore une fois, la responsabilité de la lute contre les violences sexistes et sexuelles incombe aux femmes.

Le récit est glaçant. Le 29 octobre 2025, une femme de 26 ans révèle avoir été violée, à deux reprises, par deux policiers, âgés de 35 et 23 ans, la nuit précédente, alors qu’elle était placée au dépôt du tribunal de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Une enquête est immédiatement ouverte et les deux policiers ont été mis en examen. Le 1er novembre, ils sont écroués pour viols et agressions sexuelles par personne abusant de l’autorité conférée par leurs fonctions. Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, juge ces « agissements extraordinairement graves et inacceptables », s’ils sont avérés. Mais cette affaire est loin d’être un cas isolé.
Un continuum de violences
Le 17 juin 2025, une enquête menée par Libération, Disclose et L’Oeil du 20h, comptabilise 215 policiers et gendarmes, tous grades confondus, accusés de violences sexistes et sexuelles depuis 2012 et recense 429 victimes, dont 76 % sont des femmes, 6 % des hommes et 18 % des mineurs.
Lire : « Violences sexuelles commises par les forces de l’ordre : une enqutête dévoile des centaines de cas«
Après la parution de ces enquêtes, des parlementaires LFI ont déposé une résolution portant sur «les violences sexistes et sexuelles commises par les agents de la police et de la gendarmerie nationales dans le cadre professionnel et les mécanismes favorisant l’impunité des auteurs de ces violences». Dans le sillage des révélations de Libération en juin, des parlementaires LFI ont proposé une résolution portant sur « les violences sexistes et sexuelles commises par les agents de la police et de la gendarmerie nationales dans le cadre professionnel et les mécanismes favorisant l’impunité des auteurs de ces violences ». Mais aucune suite n’a été donnée pour le moment.
Pourtant, le fléau perdure. Encore en septembre dernier, une touriste britannique porte plainte au commissariat de La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône. Elle révèle avoir été « transportée dans un véhicule de police au commissariat de La Ciotat pour ivresse publique et manifeste » et se retrouve alors menottée sur la banquette arrière. Deux policiers sont présents. Elle indique que l’un d’eux l’aurait « embrassée sur le visage et pénétrée digitalement ». Ce dernier a été mis en examen et placé en détention provisoire pour viol et agression sexuelle.
Les faits se répètent. Dans son enquête, le journal Libération s’est entretenu avec six femmes victimes de violences sexuelles commises par des représentants des forces de l’ordre. Les récits se croisent et soulignent les failles d’un système judiciaire qui, présent à tous les niveaux de l’institution, perpétue un continuum de violences, du harcèlement jusqu’au viol.
Des solutions inadaptées
Suite à l’affaire du tribunal de Bobigny, le premier président de la cour d’appel de Paris, Jacques Boulard, a exprimé sa volonté de rendre systématique la présence d’une policière dans l’équipe de nuit du tribunal de Bobigny. « En principe, il y avait normalement toujours une femme, mais le soir des faits il n’y en avait pas », précise à l’AFP le procureur de Bobigny Eric Mathais, qui ajoute que « désormais, le DTSP (directeur territorial de la sécurité publique) s’est engagé à ce qu’il ait systématiquement toujours une femme dans l’effectif de nuit ».
Mais cela suffira-t-il pour bannir les VSS du système judiciaire ? Pour le moment, le projet ne concerne que le dépôt du tribunal de Bobigny, où patientent quotidiennement des dizaines de personnes, tels que les prévenus en attente de comparution immédiate et les personnes en garde à vue ensuite présentées à un magistrat. Or, la plainte de la touriste britannique, déposée en septembre dernier, montre bien que ces violences touchent toutes les régions en France et ne se limitent pas au dépôt.
Côté logistique : peut-on placer au moins une femme dans chaque patrouille ? Cela peut-il réellement mettre fin au VSS au sein de la police ? En outre, cela fait peser, encore une fois, la responsabilité de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles sur les femmes. Est-il encore nécessaire de rappeler que les seuls responsables des crimes sexuels sont les agresseurs ?
La solution est ailleurs. Une sensibilisation des membres des forces de l’ordre à ce type de violences doit être mise en place. En novembre 2024, le site vie-publique.fr assurait que depuis 2019, 75 % des policiers et gendarmes départementaux ont suivi des formations dédiées à un meilleur accueil des femmes victimes de violences conjugales. Mais cet élan pourrait bien disparaître aussi vite qu’il est arrivé. Depuis 2021, le Centre Hubertine Auclert a formé plus de 3200 fonctionnaires de police et gendarmerie aux violences sexistes et sexuelles, mais cette année la préfecture n’a pas renouvelé leur financement, comme le révèle un article de Street Press. Pour combattre les VSS, les moyens ne sont toujours pas investis.
À lire dans LesNouvellesNews.fr :
UN POLICIER CONDAMNÉ APRÈS AVOIR INSULTÉ UNE PLAIGNANTE
POUR LUTTER CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, L’ARGENT MANQUE CRUELLEMENT
VIOLENCES SEXUELLES : 86 % DE CLASSEMENTS SANS SUITE MALGRÉ DES PROGRÈS DANS LA RÉPONSE JUDICIAIRE
LES PLAINTES POUR VIOLENCES SEXUELLES ENCORE MAL ACCUEILLIES
PROCÈS DEPARDIEU : UNE TRIBUNE POUR EN FINIR AVEC LE SEXISME AU SEIN DU SYSTÈME JUDICIAIRE
LA FRANCE CONDAMNÉE POUR « VICTIMISATION SECONDAIRE » PAR LA CEDH
« METOO DES ARMÉES » : LA PAROLE SE LIBÈRE DANS LES RANGS DE LA GRANDE MUETTE
« LA PRATIQUE DE L’AVOCATE ANNE BOUILLON EST HÉRITÉE DE GISÈLE HALIMI », SALUE CHARLOTTE ROTMAN
