L’un visait la députée Sandrine Rousseau, l’autre la linguiste Julie Neveux. Dénigrer les femmes qui s’expriment en public reste un moyen courant de décourager celles qui voudraient prendre la parole.
Mercredi 12 novembre, lors des débats sur la suspension de la réforme des retraites, la députée écologiste Sandrine Rousseau a pris la parole dans l’Hémicycle.
Quelques minutes plus tard, le député UDR des Bouches-du-Rhône Gérault Verny a craqué… Il a demandé un rappel au règlement… qui n’en était pas un. « Au titre de l’article 100 sur la bonne tenue de nos débats, Madame Rousseau, est-ce que vous pourriez éviter de hurler quand vous prenez la parole ? Vous nous cassez les oreilles.» Une partie de l’Assemblée nationale l’a alors hué, mais il s’est tourné vers la présidente de l’Assemblée nationale : « Ou, à défaut, est-ce que vous pourriez baisser le micro ? »
Rappel à l’ordre
Choquée, Yaël Braun-Pivet, lui a coupé le micro et a immédiatement réagi en lui donnant un rappel à l’ordre. « Ce n’est pas acceptable. Je vous rappelle à l’ordre immédiatement. Votre rappel au règlement est terminé, vous avez un rappel à l’ordre. C’est insupportable. C’est honteux. […] Vous ne vous rendez pas compte. » Alors qu’il continuait à parler sans micro, elle a ajouté « Ça, ce n’est pas acceptable. Je vous rappelle à l’ordre immédiatement. Et votre rappel au règlement est terminé. Vous avez un rappel à l’ordre.» (video ci-dessous)
La séquence filmée a fait le tour des médias et des réseaux sociaux. Et les commentaires sont allés bon train. Beaucoup se félicitaient de voir la titulaire du perchoir faire reculer le sexisme ordinaire… Mais beaucoup disaient ne pas voir où est le sexisme chez un homme qui reproche à une seule femme de hurler alors que partout, sur les bancs de l’Assemblée Nationale, hommes et femmes « cassent les oreilles » de leurs collègues.
Et les médias de droite et d’extrême droite se sont échinés à trouver des excuses au député misogyne et à reprocher à la présidente sa propension à faire des rappels à l’ordre pour des propos sexistes. Le 30 novembre dernier, les députés RN Laurent Jacobelli et Kévin Pfeffer ont été sanctionnés pour des invectives lancées à la même députée, qui a, manifestement aux yeux de ces hommes, le tort de prendre la parole dans l’Hémicycle : «Sandrine, prends un cachet ! Sandrine, tu vas craquer !». «Elle est complètement dingue.» «Elle est complètement siphonnée.» (Des proposcités dans le compte rendu intégral de séance publié par l’Assemblée nationale)
L’académicien dénigre une personne et une profession féminisée
Autre scène, même combat contre la parole des femmes. « On n’a pas besoin d’instits bornées » Parole d’académicien ! Ce même mercredi 12 novembre, Éric Neuhoff, qui fait son entrée à l’Académie française, était invité sur France Inter. Et, au détour de l’entretien, il a qualifié la linguiste Julie Neveux de « petite instit bornée »… sans réaction du journaliste qui l’interviewait. Julie Neveux est linguiste, agrégée, maîtresse de conférences à la Sorbonne. Les auditeurs et auditrices de FranceInter ont envoyé à la radio de nombreux messages repris par la médiatrice. Et Julie Neveux les a remercié.es chaleureusement. En bonne linguiste, sur Instagram, elle a décrypté le sexisme pas vraiment caché du propos de l’Académicien :
Julie Neveux sur Instagram : « L’insulte « p’tite instit bornée »: À la fois c’est ma personne qu’il pense insulter (en me « sous classant » dans son idéologie/mépris de classe) (c’est totalement raté, j’ai un immense respect pour les prof des écoles, dont je serais bien infoutue de faire le métier). Mais surtout c’est toute la catégorie des « instits » qui a donc servi son intention d’insulter. -« petite » ici a un emploi expressif, ne parle pas de ma taille (:)). mais transmet le mépris (indice d’une proximité alors qu’elle n’a pas lieu d’être, qu’il impose entre lui et moi, mépris qui se voit aussi dans le choix du nom sous sa forme tronquée, « familière », « instit »- qui n’est par ailleurs pas le terme actuel pour décrire la profession, ce qu’il doit savoir.. ou pas? ) Enfin le qualificatif : « bornée » achève le stéréotype sexiste et classiste. »
Neuhoff avait fait sa sortie sexiste après un vague charabia sur l’écriture inclusive qu’il n’avait manifestement pas comprise… Un bon représentant pour une Académie française fidèle à une domination masculine dépourvue de complexes. (voir plus bas)
Le Point a fait une vidéo de la séquence à l’assemblée Nationale
Julie Neveux a réagi sur les Rédeaux sociaux
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