Le président des Etats-Unis humilie une femme journaliste pour se dérober à sa question. Il suscite une vague de réprobation assez faible et lasse. Comme si ce comportement sexiste finissait par être banal…
Le 14 novembre, à bord d’Air Force One, Donald Trump interrompt brutalement Catherine Lucey, journaliste de Bloomberg, qui lui pose une question. Il lui coupe la parole, pointe un doigt vers elle, et lâche : « Quiet, piggy » — « Silence, petite cochonne ».
La question de la journaliste portait sur la possible divulgation, par la Chambre des représentants, de dossiers montrant d’éventuels liens du président des Etats-Unis avec le riche délinquant sexuel Jeffrey Epstein. La journaliste commençait à demander « s’il n’y avait rien de compromettant dans les dossiers »…
Courte indignation
Vague d’indignation aux États-Unis. CNN parle d’un propos « répugnant », Gretchen Carlson dénonce un geste « profondément sexiste », et plusieurs associations de journalistes rappellent le danger de ces attaques, destinées à dissuader quiconque d’insister sur les sujets sensibles.
The Atlantic rappelle que ces remarques font partie d’un « modèle à long terme » : plusieurs femmes journalistes ont déjà été humiliées ou dévalorisées publiquement par Trump.
En France, l’affaire résonne aussi : la traduction de l’insulte en accentue la violence. Les éditorialistes font parfois observer qu’il s’agit d’un schéma familier : les femmes journalistes sont des cibles privilégiées pour détourner l’attention, réaffirmer une domination ou intimider.
Banalisation
Mais ce comportement du président des Etats-Unis ne fait pas un si gros scandale… « C’est comme si on était rendus immunisés à ce qu’il dit sur les journalistes. On n’est plus surpris. » note Valérie Beaudoin, chercheuse à la Chaire Raoul-Dandurand dans le journal canadien La Presse. « C’est inacceptable, mais il y a une certaine désensibilisation en raison de ses attaques répétées sur les médias »
D’ailleurs, dès mardi, Donald Trump a recommencé après des questions portant sur des affaires que ferait sa famille avec l’Arabie Saoudite. « Ce n’est pas votre question qui me dérange, c’est votre attitude. Je pense que vous êtes une terrible journaliste […] et une terrible personne. » a-t-il dit à une journaliste qui lui posait une question.
Pourtant, au-delà de la banalisation d’un comportement problématique pour un président des Etats-Unis, c’est la banalisation du sexisme qui avance. Pourtant, il faut dénoncer cette scène pour ce qu’elle est : ce n’est pas un « dérapage » c’est une méthode : humilier pour faire taire. L’homme dominant ne répond pas sur le fond. Il attaque la femme. Il l’animalise. Il dit qui a le pouvoir de parler et qui doit se taire.
Les hommes politiques français sont coutumiers de la méthode. Pour ne citer qu’un exemple, quand Gérald Darmanin lançait un paternaliste « Ça va bien se passer » à Apolline de Malherbe lorsqu’elle lui mettait le nez dans ses contradictions, il voulait sexualiser le propos et ramener une journaliste à une position subordonnée.
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