La France et l’Europe ont, à quelques heures d’intervalle, posé deux actes politiques forts en faveur du droit à l’avortement. D’un côté, une loi française réhabilitant les femmes condamnées avant la loi de 1975. De l’autre, une résolution européenne visant à garantir l’accès à l’IVG à toutes les Européennes, dans le sillage de l’initiative citoyenne « Ma voix, mon choix ».

Ce jeudi 18 décembre, après un vote unanime à l’Assemblée nationale, le Parlement français a définitivement adopté une loi reconnaissant l’injustice subie par les femmes poursuivies et condamnées pour avoir avorté avant 1975. Portée par la sénatrice socialiste et ancienne ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, la proposition avait déjà été adoptée à l’unanimité au Sénat en mars, avec le soutien du gouvernement.
Une victoire politique et symbolique
Ce texte marque une victoire historique pour les féministes. Il reconnaît explicitement que les lois en vigueur avant 1975 ont conduit à « de nombreux décès » et provoqué des « souffrances physiques et morales ». Il affirme clairement que « l’application par l’État » des lois « pénalisant le recours, la pratique, l’accès et l’information sur l’avortement » a constitué « une atteinte à la protection de la santé des femmes, à l’autonomie sexuelle et reproductive », ainsi qu’« aux droits des femmes ».
Le texte prévoit la création d’une commission de reconnaissance du préjudice subi par les femmes ayant avorté. Une commission chargée de contribuer au « recueil » et à la « transmission de la mémoire » des femmes contraintes aux avortements clandestins et de celles et ceux qui les ont aidées. Mais aucune indemnisation n’est prévue. À dessein, car celles et ceux qui ont pratiqué des avortements n’étaient pas forcément des allié.es des femmes. Il y avait des « mères maquerelles » et des « proxénètes », rappelle Laurence Rossignol.
La loi était coupable, pas les femmes
« Cette loi est un acte de justice envers ces milliers de vies brisées par des lois injustes », a déclaré la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé. Selon les estimations officielles, 11 660 personnes auraient été condamnées pour avoir pratiqué ou eu recours à un avortement avant 1975.
La Fondation des femmes, qui a œuvré pour l’adoption de ce texte, écrit : « C’est une victoire pour la justice, la mémoire et les droits des femmes. Cette loi reconnaît enfin une injustice majeure : des femmes ont été condamnées, humiliées, parfois emprisonnées, pour avoir exercé ce qui est aujourd’hui un droit fondamental. La République leur dit clairement, même tardivement : ce n’était pas vous les coupables. C’était la loi. Ce texte n’est pas tourné vers le passé. Il protège l’avenir. On protège mieux un droit quand on reconnaît le prix humain qu’il a coûté. »
IVG pour toutes les Européennes
La veille de ce vote historique en France, un texte était adopté par le Parlement européen pour faciliter l’accès à l’IVG pour toutes les Européennes. Le Parlement s’engage ainsi à réclamer à la Commission de « mettre en place un mécanisme » de solidarité financière permettant « à toute personne résidant dans l’Union qui n’a toujours pas accès à un avortement sûr et légal » de se déplacer à moindre coût dans un autre des 27 pays membres qui autorise ces soins. Ce mécanisme serait financé par Bruxelles et par les États membres sur la base du volontariat.
La résolution adoptée (par 358 voix pour, 202 contre et 79 abstentions) s’appuie sur l’initiative citoyenne européenne « Ma voix, mon choix », à l’origine de cette mobilisation. Une pétition a recueilli plus de 1,2 million de signatures en 2024.
« Ce débat existe parce que des citoyens et des citoyennes se sont mobilisé·es partout en Europe pour défendre le droit fondamental à l’avortement », a déclaré la députée européenne Mélissa Camara à la tribune du Parlement européen. Membre de la commission des droits des femmes (FEMM), elle a rappelé que « 20 millions de femmes en Europe n’ont pas accès à l’avortement ».
La rapporteure Abir Al-Sahlani (Renew, Suède) a salué « une grande victoire pour toutes les femmes d’Europe », affirmant que « les soins de santé sexuelle et reproductive constituent un droit humain fondamental ».
La Commission européenne s’est engagée à examiner le texte défendu par la pétition Ma voix, mon choix avant mars 2026. Rien ne l’oblige toutefois à transformer cette initiative en acte juridique européen.
