L’Express raconte « le poison de la jalousie », histoire de remettre les femmes à « leur » place de dominée.
Quand un journal fait un gros titre sur un « drame de la jalousie », c’est le plus souvent pour euphémémiser le crime d’un homme possessif qui n’a pas supporté d’être quitté. Même si les faits sont sordides, les mots sont plus proches de la grandeur des tragédies grecques que de la collection Arlequin. Quand le mot « jalousie » est plaqué sur une femme, c’est l’image d’un crêpage de chignons qui se dessine. Ça devient quelque chose de tout petit, tout mesquin. Associé au mot poison, arme des femmes faibles et méchantes, le mot jalousie ravive un imaginaire bien éloigné de l’indépendance qui sied aux femmes politiques.
Dans la vraie vie, les deux femmes qui font la Une de L’Express ont des messages politiques, des idées, des parcours solides… Mais l’histoire que raconte l’hebdomadaire à sa Une fait faire un grand bond en arrière à Ségolène Royal et à Valérie Trierweiler. « La première est ramenée, sans plus d’égards, à une simple illustration des passions d’alcôve. Quant à la seconde, quoiqu’elle fasse, quoiqu’elle dise, il n’y aura pas prescription », écrit Laurence Rossignol, sénatrice PS, sur son bien nommé blog « ça va mieux en le disant ».
L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs
L’Express, qui vire décidément magazine people, ne fait que confirmer son obsession de remettre les femmes à « leur » place de soumises. Des êtres dominés qui ne pourraient exister que par leur attachement à un homme. A la Une de son numéro du 20 juin il posait la question : « Qui est le chef ? », avec une photo du président de la République devançant sa compagne.
Il n’est pas le seul magazine rongé par cette obsession. Pendant la campagne électorale, pour les femmes, dans les médias, c’était « première dame ou invisible ».
Dans son numéro du 23 au 29 juin, Marianne titrait : « Les grandes jalouses » dans l’histoire. En oubliant que seulement 5% des personnages cités dans les livres d’histoire sont des femmes. Et le plus souvent ce sont des saintes ou des femmes cruelles… L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs.
Cette façon de réduire les femmes au rang d’accessoire des hommes politiques est non seulement méprisante pour les premières concernées, mais décourageante pour toutes celles qui auraient des velléités d’entrer en politique. Ces messages, répétés à l’envi, assènent que la politique n’est pas leur terrain et qu’il n’y a que des coups à prendre. Très efficace pour constater plus tard, mine contrite de préférence : des femmes, on en voudrait bien en politique, mais elles ne veulent pas… A quand une Une sur « les jaloux? »
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