Elles constituent le gros des bataillons des soignant.e.s, des enseignant.e.s qui s’occupent des enfants des soignant.e.s, des caissières mal protégées, des mères célibataires avec emploi précaire. Mais ne sont pas représentées à la table du pouvoir.
Le 6 mars dernier, une étude menée par trois chercheuses – Clare Wenham, Julia Smit et Rosemary Morgan – du groupe de travail international Genre et COVID-19 était publiée par la revue médicale The Lancet appelant à prendre en compte les « impacts sexospécifiques de l’épidémie. » Une face ignorée du problème (à l’exception d’un petit élément d’une étude chinoise). Pourtant, l’épidémie affecte différemment les femmes et les hommes.
Cette étude alerte sur le fait que les femmes occupent très majoritairement les postes de « care » (soin aux autres), elles sont au contact direct des malades et courent davantage le risque d’être contaminées. « Les données du Bureau d’information du Conseil d’État en Chine indiquent que plus de 90% des travailleurs de la santé dans la province du Hubei (région la plus touchée) sont des femmes. » note l’étude. En France, les femmes représentent 78 % de la fonction publique hospitalière. Près de 90 % des infirmières et aides-soignantes sont des femmes. D’ailleurs ce sont principalement des femmes qui s’exprimaient dans la vidéo du collectif inter-hôpitaux #restecheztoi. Et comme, en plus, elles manquent de masques et d’équipements pour se protéger, elles sont au front sans bouclier.
Autre profession largement féminisée et mobilisée : l’enseignement. Les professeur.e.s des écoles, qui ne sont pas confinées pour pouvoir s’occuper des enfants des soignant.e.s sont majoritairement des femmes. Elles comptent pour 82 % des enseignant.e.s de primaire. En maintenant les contacts sociaux à l’école, elles s’exposent.
Sans bouclier
Les caissièr.e.s des points de vente sont également en première ligne face au Covid-19. Ce sont des femmes dans 80 % des cas. Elles ont dû faire face à une affluence de consommateurs venus faire des provisions démesurées avant le confinement. Sans protection. Sans directive politique à leur égard. La presse régionale rapporte des solutions «système D» . A Saint-Malo, raconte Ouest-France, les caissières avaient « des gels hydroalcooliques, ainsi que des lingettes pour nettoyer les postes de travail. » dit un directeur de l’enseigne Casino. Mais point de masques. A Chamalière, «Une « cloche » de protection improvisée, fabriquée avec du film cellophane pour séparer les caissières des clients» a été installée dans une moyenne surface raconte La Montagne…
Et les soldates du care subissent aussi les effets du Covid-19 à la maison. Avec la fermeture des écoles, celles qui sont dans des foyers monoparentaux notamment ne peuvent plus aller travailler. Et comme les femmes constituent le gros des bataillons des chefs de familles monoparentales, la situation peut rapidement devenir compliquée si elles ont un job précaire comme employée de maison. Ce sont elles qui, le plus souvent, « fournissent la plus grande partie des soins informels dans la famille, avec la conséquence de limiter leur travail et leurs opportunités économiques » dit l’étude publiée dans The Lancet.
Les femmes n’ont pas voix au chapitre
Le travail du « care » effectué majoritairement par les femmes est « pour une grande partie non-payé ou sous-payé » rappelle Le Lancet et les femmes n’ont pas voix au chapitre. Dans les épidémies précédentes comme Ebola ou Zika, aucune étude genrée n’a été faite. « Même si le conseil exécutif de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) reconnait le besoin d’inclure les femmes dans les prises de décisions pour répondre aux épidémies, la représentation des femmes aux niveaux nationaux et global dans les espaces politiques qui traitent du Covid-19 est inadéquate » déplore l’étude. Pourtant « Les rôles de soins prescrits socialement par les femmes les placent généralement dans une position privilégiée pour identifier les risques au niveau local qui pourraient signaler le début d’une épidémie et ainsi améliorer la sécurité sanitaire mondiale ».
Et les femmes vivant avec des hommes violents se trouvent encore plus en danger avec le confinement (Voir : Lutter contre les violences conjugales en période de confinement).
Capitulation devant les soldates du care ?
L’épreuve du Coronavirus aurait pu être une occasion de prendre en compte la question du genre dans les politiques publiques dans un quinquennat qui a fait de l’égalité femmes / hommes une grande cause nationale…
Mais une nouvelle fois, il n’en est rien. Les soldates du care tiennent vaillamment la première ligne de défense contre le virus. Le président parle d’ «héroïnes en blouse blanche », on les applaudit à 20 heures tous les soirs. C’est un peu léger. Dans beaucoup d’hôpitaux, les professionnel.le.s ont pris la pose avec un panneau s’adressant à Emmanuel Macron : « vous pouvez compter sur nous mais l’inverse reste à prouver.» (la brigade des nurses sur la photo). Dans son allocution du 15 janvier, le président de la République l’a affirmé : « quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour aux jours d’avant. » Annonçait-il une capitulation en rase campagne du gouvernement devant les soldates du care ?