Les violences intra-familiales augmentent pendant le confinement, un dispositif de prise en charge des conjoints violents est ouvert. Son responsable en élargit la portée.
Alors que les violences conjugales se sont aggravées pendant la période de confinement, le gouvernement a d’abord mis en place des dispositifs s’adressant aux femmes. (voir : DISPOSITIF RENFORCÉ CONTRE LES VIOLENCES CONJUGALES). Puis le 6 avril dernier était lancé un numéro national pour les conjoints violents. « Le numéro de prévention des Violences Conjugales ouvre aujourd’hui. Préservez votre famille des violences: faites-vous accompagner au 08.019.019.11 », annonçait Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, sur Twitter.
A la manœuvre, François Roques, directeur de l’Association pour le contrôle judiciaire en Essonne (ACJE 91). Partenaire du Parquet et des Magistrats du Siège, cette structure socio-juridique participe au traitement de la délinquance. Depuis le début des années 2000, elle apporte des réponses spécifiques à la question des violences intra-familiales. En 2003, l’ACJE a pu mettre en place un dispositif composé de trois éléments : prise en charge spécifique des hommes violents, éloignement du domicile et obligation de soin. (A l’époque, la prise en charge du conjoint violent est rare. Seul le magistrat Luc Frémiot a mis en place des dispositifs pour les éloigner et les contraindre à des stages de responsabilisation dans les Hauts de France)
Lente évolution
Le dispositif de l’ACJE a été élargi en 2012 afin d’y faire entrer également les conjoints violents échappant à des procédures pénales. Lorsque les affaires sont susceptibles d’être classées sans suite, le conjoint violent peut être obligé de suivre un stage de responsabilisation de deux jours. C’est une condition pour qu’il soit mis fin aux poursuites.
En 2014, ce dispositif s’est encore élargi à une démarche de prévention. Lorsqu’il était compliqué d’établir la réalité d’une infraction et d’amener l’individu violent devant un tribunal, outre un rappel à la loi, une obligation de stage d’une demi-journée est imposée comme alternative à des poursuites pénales.
Depuis que ces dispositifs existent, dans le département, les taux de récidive sont très faibles. L’ACJE 91 a réalisé des guides de bonnes pratiques pour l’ensemble du territoire français mais ces pratiques sont diversement appliquées selon les départements.
Un besoin
Un numéro de téléphone pour hommes violents peut-il améliorer la prévention ? Avant la période de confinement, François Roques souhaitait déjà qu’un tel dispositif puisse exister. « Depuis #MeToo et la communication autour du Grenelle des violences conjugales, nous avons commencé à recevoir des appels d’hommes disant qu’ils se sentaient violents et se sentaient un peu perdus » explique-t-il. Bien sûr, il n’a pas été submergé d’appels, une quinzaine environ et puis ces appels étaient d’une « spontanéité relative » juge-t-il. Si certains hommes se sentaient violents et mal-à-l’aise avec cette violence, beaucoup étaient poussés à appeler par leur compagne qui parfois menaçait de les quitter. Mais il y a vu une piste sérieuse de prévention. Alors quand la ministre s’est engagée sur cette voie, il a pris les commandes de la ligne téléphonique.
Comme on pouvait le prévoir, le standard n’a pas sauté, faute de communication forte autour de ce numéro. Une centaine d’appels sur la France et six appels sur le département. Beaucoup venant d’associations partenaires. Mais dit François Roques : « Si on évite, ne serait-ce qu’à un seul homme d’être violent avec sa conjointe : ça valait déjà le coup ! ». Parmi les appels reçus, il a senti un homme potentiellement dangereux et va le rencontrer.
Gendarmerie et police mobilisées
Mais le directeur d’ACJE 91 a déjà trouvé un bon moyen de communiquer plus largement le numéro d’appel pour les hommes violents. Son amie, la colonelle Karine Lejeune, Commandante de groupement de l’Essonne, s’est engagée à mobiliser les gendarmes pour qu’ils incitent les hommes violents à appeler le numéro qui leur est destiné. Il arrive souvent en effet que les gendarmes soient appelés par des voisins ou par des victimes et que la situation se soit calmée lorsqu’ils arrivent. Pas question de faire comme si de rien n’était. Ils vont faire pression sur ces hommes pour qu’ils se responsabilisent. Ont aussi été mis dans la boucle la police et les polices municipales qui se sont aussi engagées à mettre la pression sur les hommes violents pour qu’ils appellent le 08.019.019.11.