Un rapport interministériel montre que la loi de 2016 marque un tournant dans la politique abolitionniste de la France mais reste insuffisamment appliquée. Les associations demandent une mobilisation contre la prostitution des mineur.e.s
Au terme d’un parcours semé d’embûches et d’un déchaînement de haine contre ses auteur.e.s, une loi visant à lutter contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a été adoptée le 13 avril 2016. Une « loi cadre abolitionniste ambitieuse et cohérente, qui refond l’ensemble des politiques publiques en matière de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains» rappelle le mouvement du Nid, associations de soutien aux personnes prostituées.
C’est le premier rappel que fait cette association en saluant les « 28 recommandations pour une mise en œuvre accélérée et plus ambitieuse de la loi » formulées par le rapport d’évaluation interministérielle réalisé par les inspections générales de l’administration (IGA), de la justice (IGJ) et des Affaires sociales (IGAS). Un rapport basé sur près de 300 entretiens et les retours de questionnaires adressés notamment aux préfets, parquets et ARS,
Si le mouvement du Nid regrette que la loi soit « très loin d’être mise en œuvre autant qu’elle pourrait l’être », l’association retient plusieurs chiffres : « Hausse de 54 % des procédures pour proxénétisme et lutte contre la traite des êtres humains. Multiplication par 7 des indemnisations des victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains. 395 personnes ont bénéficié d’un parcours de sortie de la prostitution, ouvrant le droit à un titre de séjour, un accès prioritaire au logement et à une aide financière. Près de 5000 clients de la prostitution ont été interpellés depuis l’adoption de la loi. La loi a aussi permis de réattribuer 2,35 millions d’euros de fonds proxénètes saisis à l’accompagnement des personnes prostituées. »
Le rapport, est également commenté par le HCEFH qui retient les mêmes chiffres et le même constat fait par les préfets : un manque de moyens pour appliquer la loi. Et de grandes différences d’application selon les départements.
Le point de la loi qui avait suscité la haine des « clients de prostituées », appelés plutôt« clients prostitueurs » reste compliqué. Le mouvement du Nid retient que « l’évaluation souligne aussi à juste titre le grand tournant de 2016 avec l’abrogation du délit de racolage et l’inversion de la charge pénale vers les « clients » prostitueurs, mais aussi la réaffirmation du statut de victimes de violences. La politique pénale s’est durcie en conséquence et le nombre de personnes poursuivies a augmenté. Mais la Justice doit faire beaucoup plus pour utiliser toutes les dispositions protectrices de la loi autour du statut de victime et de témoin. Enfin, l’évaluation dénonce le maintien d’arrêtés municipaux à l’encontre de personnes prostituées, qui sont ‘contraires à l’esprit de la loi’.. »
Un autre sujet doit être d’urgence abordé : celui de la prostitution des mineur.e.s. La FNCIDFF (Fédération nationale des centres d’information droits des femmes et des familles) appelle à une mobilisation générale des pouvoirs publics dans la lutte contre la prostitution des mineur·e·s qui est « en forte expansion » dit la fédération qui appelle les pouvoirs publics, à tout mettre en œuvre « pour prévenir, par l’information et l’éducation, l’entrée dans la prostitution des mineur·e·s. Informer les jeunes, filles et garçons, de la réalité de cette violence qu’est la prostitution, c’est aujourd’hui le devoir de l’Éducation nationale et de tous les ministères en charge de la jeunesse. » Encore un sujet qui reste dans l’angle mort des politiques publiques et se heurte à un traitement médiatique parfois contre-productif.
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