Une question concernant un droit des femmes a encore été instrumentalisée à des fins électoralistes. L’Assemblée nationale devrait revenir aux dispositions initiales de la loi Bioethique.
Nouvelle péripétie de quelques sénateurs LR adressant des œillades appuyées à « la manif pour tous ». Dans la nuit du mercredi 3 au jeudi 4 février, le Sénat a voté à main levée avec les seules voix de la majorité sénatoriale de droite, le projet de loi bioéthique en le vidant de sa mesure-phare : la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes seules et les couples de lesbiennes. L’article 1er ouvrant la PMA à toutes les femmes a ainsi été supprimé, par 132 voix contre 48. Il y a un an pourtant, le Sénat avait voté en première lecture en faveur de cette disposition par 153 voix contre 143.
Pourquoi un tel revirement ? Le secrétaire d’État à l’Enfance, Adrien Taquet, dénonce « des ambitions électorales qui avancent masquées » de la part du chef de groupe Les Républicains (LR) au Sénat, Bruno Retailleau, potentiel candidat aux prochaines élections présidentielles. Le Sénateur n’a jamais caché son opposition à la PMA pour toutes, et a largement contribué aux ralliements et soutiens à la « Manif pour tous » au fil des années
Dès le début de l’examen du texte en deuxième lecture devant le Sénat, le 2 février dernier, il annonçait : « Sur la PMA sans père, c’est bien faire primer la liberté individuelle sur le principe de vulnérabilité. C’est bien faire primer la volonté des adultes sur, je crois, l’intérêt et le droit des enfants. » S’en est alors suivie une croisade menée par les sénateurs majoritaires, et le vote de deux amendements, qui ont tout changé. Le premier stipulant que la PMA n’était plus ouverte aux femmes célibataires et aux couples de femmes. Et le second, interdisant la prise en charge de la PMA par la sécurité sociale hors motif médical.
Un « incident de séance » relatif aux conditions de l’adoption du texte a été dénoncé. L’article premier a été rejeté sur fond de confusion avec un amendement relatif à la PMA post mortem. La promesse d’une 2ème délibération de l’article 1er a alors été faite à la demande du président LR de la commission bioéthique Alain Million, lui-même favorable à l’ouverture de la PMA pour toutes. 2ème délibération qui n’a finalement jamais eu lieu.
Pour autant, la suppression de l’article premier, n’a pas empêché les sénateurs de voter la réforme de la filiation. La filiation de la mère d’intention, soit celle qui n’a pas accouché, pourra ainsi être établie par voie d’adoption. La sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie a tout de suite dénoncé l’incohérence du texte : « se positionner sur un article 4 qui organise le système de la filiation, justifié par un articler 1er qui existera peut-être, tout ça rend les choses extrêmement complexes. »
Bernard Jomier, sénateur socialiste et co-rapporteur du texte a dénoncé une gestion chaotique des débats, « Ce texte, vous l’adopterez sans nous, parce que ce texte c’est le résultat d’un gâchis. » Et son groupe s’est abstenu.
Le texte ainsi modifié a été adopté par un vote à main levée, et un « assis-debout » pour recompter à un peu plus de 1h30 du matin. Et Bruno Retailleau a réussi son coup politique : la « Manif pour tous » a envoyé un satisfecit au Sénat.
Cependant LR est divisé sur le sujet. Le député LR de l’Hérault, Jean-Pierre Grand s’est offusqué sur son compte Twitter :« La suppression dans la #loibioéthique par le Senat de la PMA pour toutes – article 1 – est une victoire politique de @LaManifPourTous dont les relais dans le groupe @lesRep_Senat ne sont plus à démontrer. Triste journée pour la liberté des femmes. »
Du côté des associations, Bénédicte Blanchet de Mam’ensolo, dont les propos ont été rapportés par l’AFP, s’indigne : « Non seulement l’avancée fondamentale que représente la PMA pour de nombreuses femmes a été supprimée, mais les sénateurs avaient préalablement honteusement écarté les femmes seules ». Elle poursuit, « C’est une superbe leçon de patriarcat de la part d’hommes non intimement concernés par le sujet, manifestement non informés, et attachés à une vision traditionaliste plus du tout actuelle de la famille ».
Prochaine étape : une Commission Mixte Paritaire qui sera chargée de trouver un compromis entre le Sénat à majorité Les Républicains (LR) et l’Assemblée Nationale, à majorité LREM. Si un compromis est trouvé, une troisième lecture aura lieu, sinon, l’Assemblée Nationale aura le dernier mot. A priori, suivant la position de l’Assemblée nationale sur la question, les dispositions supprimées pourraient donc être rétablies par les députés.