Une étude de la Harvard Business Review montre que les entreprises appliquent la loi mais accordent peu d’influence aux femmes dans les instances dirigeantes.
Les quotas obligatoires au sein des Conseils d’administration des entreprises ont-ils un impact réel et provoquent-ils des changements substantiels ? Ou bien ces initiatives demeurent-elles tristement symboliques ? C’est le sujet de recherche d’une étude publiée par la Harvard Business Review, qui s’est intéressée plus particulièrement au cas de l’Inde, l’un des premiers marchés émergents à adopter des quotas pour promouvoir la diversité. Publiée le 5 février dernier cette étude a été menée par Ruth V. Aguilera et Venkat Kuppuswamy de Northeastern University aux Etats-Unis avec Rahul Anand d’Aarhus BSS au Danemark
Leur constat : c’est un pas dans la bonne direction, mais celà ne va pas assez loin. L’annonce de la mise en place de quotas au sein des Conseils d’administration a donné lieu à des critiques : les femmes seraient sélectionnées pour respecter le quota obligatoire et non pas sur la base du mérite. Suggérant ainsi que leur présence en ces lieux pourrait être considérée comme illégitime.
L’idée de procéder à des nominations symboliques est particulièrement forte dans les marchés émergents dans lesquels la transparence des entreprises est moindre, les institutions faibles et les sociétés moins progressistes sur l’égalité des sexes. L’Inde est l’un de ces marchés émergents à avoir adopté des quotas de femmes : une loi sur les sociétés de 2013 a rendu obligatoire la présence d’au moins une femme au conseil d’administration de toutes les entreprises cotées en bourse.
L’étude s’est intéressée aux 500 premières entreprises classées par capitalisation boursière sur la Bourse nationale indienne. 60,6% de ces entreprises n’avaient aucune femme au sein de leurs comités avant 2013 et devaient nommer au moins une directrice avant le 1er avril 2015. En 2017, 82,8% de ces mêmes entreprises avaient nommé une seule femme, tandis que 13,6% en avaient nommé 2 ou plus.
L’étude constate qu’en Norvège -premier pays à instaurer des quotas de 40 % de femmes en 2003- les quotas ont eu pour effet de voir se former un petit groupe de femmes éminentes qui devaient siéger dans plusieurs conseils d’administration. Alors qu’en Inde, la loi sur les quotas a réussi à élargir considérablement le nombre total de femmes entrant dans ces conseils d’administration… En apparence seulement.
Car dans les faits, l’étude montre un aspect volontairement dissimulé par les entreprises indiennes : elles remplissent bien les quotas mais en nommant notamment des femmes extérieures à l’entreprise. Et les femmes nouvellement nommées, pour beaucoup considérablement plus éduquées que les hommes en place, sont affectées à des comités jugés secondaires. Les nouvelles administratrices sont écartées des comités d’audits et des comités de nominations par exemple. La probabilité pour qu’une femme puisse siéger à l’un des comités centraux est de 40%. C’est une autre forme de discrimination. L’étude appelle les décideurs politiques à revoir le contrôle sur cette application des quotas.
En France aussi au début de la loi sur les quotas, des dirigeants n’ont pas résisté à la tentation de nommer des femmes étrangères au monde de l’entreprise, des « femmes de » ou « fille de » (lire : Bernadette Chirac au CA de LVMH : un pied de nez à la parité) Mais ils ont fini par se plier à la loi. Cependant les quotas dans les CA ne permettent pas l’égalité des sexes dans les plus hautes sphères de l’économie. Aujourd’hui c’est pour l’égalité dans les comités exécutifs que la croisade est engagée en France (Lire : Des quotas et des revalorisations pour une « relance paritaire » ? )