En toute sororité, grâce à Internet, des femmes journalistes ont pu briser l’omerta entretenue par les hommes qui détenaient le pouvoir dans les médias traditionnels. Et ça ne fait que commencer.
Huit femmes, dont sept à visage découvert accusent l’ex-présentateur star de TF1, Patrick Poivre d’Arvor (PPDA) de viols, d’agressions ou de harcèlement sexuel dans Libération en ce début de semaine. Il est question de fellations forcées, de viols dans le bureau du présentateur, de messages graveleux et insistants. Et aussi du silence et de la peur des victimes mais aussi de celles et ceux qui savaient.
Dans les médias, le courage des accusatrices est salué à juste titre, et leur sororité aussi. Comme l’a dit Cécile Duflot dans sa chronique du mardi 9 novembre sur France Inter, «Ces femmes qui parlent de ce que PPDA leur a fait subir, droit dans les yeux, ne le font pas pour elles mêmes. Elles le font d’abord pour défendre celle qui a parlé et dont le journaliste avait balayé les accusations, étalant sa morgue.» PPDA a en effet répondu à de premières accusations par des attaques dans l’émission « Quotidien » en mars 2021: « Uniquement de l’anonymat, toujours de l’anonymat. Jamais une personne qui ose venir, les yeux dans les yeux, me dire : “Non, ce n’était pas bien » accusait-il à son tour.
Pathétique tentative d’intimidation : il traite ses victimes de lâches alors qu’il leur était impossible de se défendre jusqu’à ces dernières années. Dans un système médiatique tenu de main de fer par des hommes de pouvoir, l’acte de sororité des accusatrices était impossible avant l’apparition d’Internet et des réseaux sociaux. La parole publique passait par le filtre de médias patriarcaux. L’omerta était garantie au sein de ce que l’on appelle le quatrième pouvoir, (qui s’ajoute aux trois pouvoirs classiques : pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire).
Avant que les femmes puissent formuler les dénonciations de façon massive sur les réseaux sociaux, leurs accusations n’étaient pas audibles. Les hommes dirigeant les médias imposaient leur vision du monde. Pour beaucoup d’entre eux, les victimes étaient des affabulatrices et les viols étaient des questions intimes qui relevaient de la « vie privée ». C’est d’ailleurs cet argument qu’avaient fait valoir les dirigeants de journaux au moment de l’affaire DSK en 2011. Ils savaient mais faisaient passer un délinquant sexuel pour un charmeur… (voir Sexe et pouvoir : l’exception médiatique française)
Dans de nombreuses grandes rédactions, l’alternative pour les femmes journalistes : céder ou renoncer à sa carrière. Comme pour les actrices qui ont fait #MeToo. Et on s’étonne de voir peu de femmes à la tête de grandes rédactions ?
Grâce à Internet, les femmes ont pu s’exprimer sans le filtre misogyne de ces hommes qui détenaient le quatrième pouvoir. Il y a eu MeToo dans le milieu du cinéma et beaucoup d’autres depuis. Et il y aura #MeTooMedias annonce sur France inter Emmanuelle Dancourt, journaliste de télévision et chroniqueuse sur RMC, une des femmes qui témoigne contre PPDA. Avec une grande ambition : « On veut monter une association et offrir une ombrelle à toutes celles qui ne veulent pas sortir de l’anonymat, mais qui ont besoin de cette sororité » déclare-t-elle.
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