La délégation aux Droits des femmes du Sénat veut sonner la charge contre la puissante industrie de la pornographie qui filme des agressions, fait la promotion des violences sexuelles et colonise les esprits.
Dans la foulée de la mise en examen de quelques dirigeants de sites pornos, le Sénat a réalisé, pour la première fois dans l’histoire du Parlement, un rapport intitulé « Porno, l’enfer du décor ». Les sénatrices de la délégation aux Droits des femmes, Laurence Rossignol (socialiste), Alexandra Borchio-Fontimp (Les Républicains), Annick Billon (Union centriste) et Laurence Cohen (communiste) entendaient d’abord dénoncer « une industrie de la pornographie qui génère des violences systémiques envers les femmes. »
Un phénomène dénoncé sous le vocable « pornocriminalité » par les associations qui soutiennent des victimes. Plusieurs acteurs du secteur sont enfin dans le viseur de la justice, notamment pour « viols en réunion, traite aggravée d’êtres humains et proxénétisme aggravé » mais ils résistent plutôt bien
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Sans aller jusqu’à parler de « pornocriminalité », la présidente de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon, dit vouloir « déstabiliser » cette industrie puissante. Une industrie qui « génère des violences systémiques envers les femmes, que ce soit celles qui se retrouvent dans ces productions comme celles qui subissent une sexualité calquée sur les normes de violences véhiculées par le porno ». Cette industrie engrange plusieurs milliards de chiffre d’affaires dans le monde chaque année. Et, en France, les sites porno comptent 19 millions de visiteurs uniques mensuels.
Depuis le milieu des années 2000 et l’apparition des « ‘tubes’, grandes plateformes numériques de diffusion de dizaines de milliers de vidéos pornographiques », la consommation a explosé, entraînant un phénomène d’accoutumance et des contenus de plus en plus « trash ». 90% des scènes pornographiques comportent de la violence, physique et verbale, et charrient des « stéréotypes misogynes, racistes, lesbophobes et hypersexualisés ». « Le porno est une machine à broyer les femmes », peut-on lire dans le rapport.
Viols réels
La plupart des violences montrées à l’écran ne sont pas simulées. Le parcours d’entrée dans le système commence par un « viol initial », un « viol de soumission » pour casser la personne- une jeune femme en situation de vulnérabilité en général. Un viol filmé, puis un chantage avec la victime pour que la vidéo du viol soit retirée. La victime devant payer plus de dix fois le montant de son gain initial pour retirer une vidéo qui a le plus souvent été dupliquée avant qu’elle n’ait obtenu la somme…
Le rapport dénonce « Une consommation massive, banalisée et toxique, chez les enfants et adolescents comme chez les adultes ». Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et 1/3 des enfants de moins de 12 ans ont déjà eu accès à des images pornos.
Pour les sénatrices : « Les conséquences sur la jeunesse sont nombreuses et inquiétantes : traumatismes, troubles du sommeil, de l’attention et de l’alimentation, vision déformée et violente de la sexualité, difficultés à nouer des relations avec des personnes du sexe opposé, (hyper)sexualisation précoce, développement de conduites à risques ou violentes, etc »… « Le porno construit une érotisation de la violence et des rapports de domination, érigés en normes. Il multiplie et encourage les stéréotypes sexistes, racistes et homophobes. »
Réguler le marché
Que préconise ce rapport ? D’abord imposer le sujet dans le débat public. Les responsables politiques ne peuvent plus fermer les yeux. Il va falloir sérieusement légiférer, poser des interdits et des limites claires. Le rapport imagine « Faire des violences sexuelles commises dans un contexte de pornographie un délit d’incitation à une infraction pénale (viol ou agression sexuelle). » Ce type de délit existe pour l’incitation au terrorisme par exemple. Mais aussi « Favoriser l’émergence de plaintes des victimes de violences commises dans un contexte de pornographie »
Deuxième série de recommandations : « Faciliter les suppressions de contenus illicites et le droit à l’oubli ».
Troisième série : « Appliquer enfin la loi sur l’interdiction d’accès des mineurs et protéger la jeunesse ». Sur ce dernier point, il faut élargir les compétences de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et renforcer sa motivation à agir. Au début du mois, l’Arcom demandait de bloquer l’accès aux contenus de cinq sites pornographiques en France qui ne se conformaient pas à la loi imposant aux éditeurs de sites pornographiques d’empêcher l’accès des mineurs à leurs contenus… Le tribunal a préféré ordonner une médiation… Et Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom -audité par une autre commission au Sénat pendant que la délégation aux Droits des femmes présentait son rapport-, s’en remet à la justice sans vraiment demander que le pouvoir de l’Arcom soit renforcé.
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Quatrième série de recommandations : « éduquer, éduquer, éduquer ». Renforcer sérieusement l’éducation à la sexualité à l’école pour que l’apprentissage d’une sexualité non violente domine le tsunami d’image violentes infusées dans les têtes par la lourde industrie pornographique.
Tout cela demande des moyens…