Lors d’une visite de Gérald Darmanin à Nice, les policiers ont bâché de noir la vitrine d’une librairie exposant un ouvrage dénonçant l’impunité des violences sexuelles. Partout en France, des libraires et leur syndicat réagissent : « Pas de rideau noir sur les librairies ! »
Après la lutte contre l’impunité des agresseurs sexuels, la lutte contre l’impunité de ceux qui portent atteinte à la liberté d’expression féministe est engagée.
Vendredi 9 décembre dernier, le ministre de l’Intérieur se rendait à Nice pour lancer les travaux du futur « hôtel des polices ». (Une initiative lancée au début de cette année par le président de la République. Lire : Nouvelles annonces d’Emmanuel Macron)
Le jour même, la librairie « les parleuses » située en face de ce futur bâtiment exposait dans sa vitrine le livre Impunité d’Hélène Devynck (Seuil) venue quelques jours plus tôt rencontrer les lectrices et lecteurs. Son livre raconte les courageux témoignages des femmes, dont elle fait partie, qui ont accusé Patrick Poivre d’Arvor d’agressions sexuelles et de viols. Sur la vitrine de la librairie étaient également exposées des affiches de colleuses féministes disant « Qui sème l’impunité récolte la colère », «Victimes, on vous croit» ou… « Sophie, on te croit », en référence à Sophie Patterson-Spatz, qui a avait porté plainte contre Gérald Darmanin pour viol -et la justice a prononcé un non-lieu.
Illico, une camionnette de policiers est venue poser des paravents noirs sur la vitrine. « À 7 h, nous avons collé nos messages, avec l’accord des gérantes. Une heure plus tard, alors que nous venions de terminer, deux policiers en civil puis une dizaine de CRS en uniforme sont arrivés pour décoller ceux qui étaient à l’extérieur », indiquent les membres niçoises du Collectif de collages féministes à Nice Matin.
Qui a donné l’ordre ? la Mairie de Nice s’en défend. Le ministère de l’Intérieur refuse de répondre aux journalistes qui lui ont posé la question.
Face à de telles atteintes à la liberté d’expression, les libraires ainsi qu’ Hélène Devynck ont porté plainte. La requête déposée au tribunal administratif de Nice demande l’annulation de la décision qui a mené à l’opération de police. Il s’agit d’obtenir la reconnaissance de « l’illégalité » de cette décision, qui découle, selon les requérantes, d’« un détournement de pouvoir ». Elles souhaitent des excuses publiques et plusieurs associations envisagent de se joindre à cette action en justice.
Et quelques librairies dans toute la France ont décidé d’afficher des messages identiques à ceux collés dans la librairie Les parleuses de Nice. Sur les comptes de réseaux sociaux , la Librairie des femmes à Paris ou la librairie Majo ont publié plusieurs photos de vitrines et vitrines de librairies féministes amies engagées. Elles assurent : « Les victimes ont le droit de parler, d’être publiées et les librairies, le droit de relayer leurs paroles pour que cessent les violences sexistes et sexuelles, et l’impunité des agresseurs. On ne nous bâchera pas. On ne vous lâchera pas. » Citons aussi Un livre et une tasse de thé à Paris, L’Affranchie librairie à Lille, Librairie Arborescence à Massy, Le comptoir des mots à Paris, La Librairie à soi.e à lyon, Au bonheur des dames à Toulouse…
« Pas de rideau noir sur les librairies ! » scande le Syndicat de la librairie française dans un communiqué. Tandis que les éditions du Seuil qui ont publié « Impunité » dénoncent : « on ferme une librairie, on censure un livre » et « apportent tout leur soutien aux libraires de France ». L’éditeur assure : « c’est une atteinte à la liberté d’expression, c’est un acte qui ne peut rester impuni. »
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