« Le modèle carcéral est conçu sur un modèle masculin. » Voilà le cœur du constat de Guénhaël Huet, le député UMP, auteur du rapport sur les femmes en détention présenté à l’occasion de l’examen de la loi pénitentiaire (1), qui a débuté mardi 15 septembre à l’Assemblée. Où l’isolement et la maternité apparaissent comme deux épreuves supplémentaires pour les détenues.
Les femmes représentent moins de 4% de la population carcérale en France (2). Si cela implique des conditions matérielles moins dégradées que pour les hommes (3), c’est en revanche « l’arbre qui cache la forêt », déplore Guénhaël Huet. Les femmes incarcérées subissent en effet une forme de double peine, due à un isolement renforcé.
Un isolement physique, d’abord. La grande majorité des établissements pénitentiaires pour femmes se situent au nord de la Loire. Une absence de mixité géographique qui complique les visites des proches des détenues.
Ajoutez à cela un autre fait, social celui-là : pour un même délit, une femme se retrouve plus stigmatisée qu’un homme. « Mise au ban de la société », estime même Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes, qui a commandé ce rapport. Une femme incarcérée est bien plus victime de rupture de la part de son conjoint, sa famille ou ses proches. Les visites se font rares, parfois inexistantes (4).
Cet isolement se trouve renforcé par la situation même des femmes au sein des établissements pénitentiaires. Séparées des hommes, du fait du principe de non-mixité, elles se voient, en raison de leur situation ultra-minoritaire, exclues des activités en prison, activités de travail ou de de loisir, qui participent de la réinsertion.
Au-delà de cet isolement, le rapport fait ressortir la problématique des mères en prison. Les trois quarts des détenues ont des enfants. Si la loi permet le maintien du bébé auprès de sa mère jusqu’à 18 mois, les femmes incarcérées demandent généralement à s’en séparer bien plus tôt, refusant de le voir grandir entre quatre murs. Se pose alors la question du devenir de l’enfant. Le placement est décidé par les conseils généraux. Or, « autant de départements, autant de décisions particulières », note Guénhaël Huet.
Des avancées… sur le papier
Pour harmoniser et humaniser ce système, le rapport préconise une convention entre les établissements pénitentiaires et les départements. Un principe repris sous forme d’amendement dans le projet de loi. Un autre, qui doit être déposé en séance, entend soutenir la généralisation des mesures alternatives à la détention (notamment le bracelet électronique) pour les femmes enceintes.
La nouvelle loi pénitentaire stipule par ailleurs que « tout accouchement ou examen gynécologique doit se dérouler sans entraves et hors de la présence du personnel pénitentiaire ».
Autre avancée inscrite dans le texte de loi : la généralisation des services sanitaires et médicaux adaptés aux détenues. Actuellement, sur les 26 services médicaux psychiatriques régionaux (services de soins pour les détenus), un seul est réservé aux femmes.
Le rapport, premier du genre, a donc déjà permis des avancées, du moins sur le papier, se réjouit Marie-Jo Zimmermann. La députée rappelle que « jusqu’à aujourd’hui, jamais la question des femmes en prison n’avait été abordée à l’Assemblée ». Reste que le projet de loi pénitentiaire n’inclut pas la spécificité de la détention féminine, spécificité pourtant préconisée par les règles européennes.
Et au-delà ? Le projet de loi dans son ensemble suscite au mieux le scepticisme des associations de défense des droits des détenus. Ainsi, l’Observatoire international des prisons, présidé par Florence Aubenas, dénonce une loi « qui ne réglera en rien les maux de la prison », et laissera notamment l’exercice des droits fondamentaux en prison « sous la mainmise de l’administration pénitentiaire. » Droits des détenus, cellules individuelles, améagements de peine, régimes différenciés… autant de sujets qui font polémique (5) et seront au centre des débats jusqu’au 22 septembre à l’Assemblée. Même si Marie-Jo Zimmermann « ose espérer une attention particulière » des députés sur leur situation, les 4% de femmes en détention risquent bien de passer inaperçues.
(1) À lire en intégralité ici.
(2) Au 1er septembre 2009, on comptait 2 297 femmes écrouées, soit 3,5% de la population carcérale.
(3) Malgré tout, si en moyenne les 63 établissement accueillant des femmes ne sont pas touchés par la surpopulation, au 1er mars 2009 un tiers d’entre eux avaient un taux d’occupation dépassant les 100%. Ainsi, la maison d’arrêt de Saint Etienne comptait 32 détenues pour 17 places.
(4) Par exemple, plus de la moitié des détenues du Centre de détention de Joux la Ville n’ont jamais de visite au parloir.
(5) Et développés par exemple dans cet article de Libération.