Le handballeur condamné par la justice a accordé une interview à l’Equipe, interview reprise par bien d’autres médias qui entretiennent ainsi la déculpabilisation des agresseurs sexuels.
Encore un ! Encore un agresseur sexuel présenté comme une victime dans les médias. Le 25 janvier dernier, après 48 heures de garde à vue, Bruno Martini, alors président de la Ligue nationale et ancien international français de handball a été condamné à un an de prison avec sursis et 2.500 euros d’amende pour « corruption de mineur » et « enregistrement d’images pédopornographiques » ainsi que cinq ans d’interdiction d’exercer une activité impliquant un contact avec des mineurs.
Visé par une enquête préliminaire, il faisait l’objet d’une plainte d’un adolescent de 13 ans depuis l’été 2020. Ce jeune garçon avait été abordé sur les réseaux sociaux par le handballeur. Après plusieurs échanges de selfies et vidéos à caractère sexuel, Martini, qui se présentait comme « Daddy45ans », lui avait proposé de payer un taxi pour qu’il le rejoigne. Mais l’adolescent avait rebroussé chemin et déposé plainte.
Moins de deux mois après sa condamnation, c’est open bar dans les médias ! Le journal l’Equipe offre à Bruno Martini, le 20 mars, une longue interview dans laquelle il déroule sa défense et se pose en victime. Une grande photo esthétisante de l’homme, visible par l’entrebâillement d’un rideau, seul, l’air accablé devant une fenêtre, est simplement accompagnée de ses mots à lui entre guillemets : « Je vais devoir vivre avec cette culpabilité et cette honte d’avoir fait vivre ça à ma famille ».
Dans l’interview, il reprend les arguments de sa défense déjà étalés dans les journaux en janvier. Selon ses dires, il ignorait l’âge du jeune garçon. Comme tous les agresseurs sexuels, il s’abrite derrière de prétendues « pulsions », et entonne la complainte de celui qui traine le poids de la honte infligée par cette condamnation.
Le journal qui l’interviewe, l’accompagne vaillamment dans cette entreprise d’inversion de culpabilité. De la description de l’appartement parisien « sommairement meublé » dans lequel vit désormais Bruno Martini à un tweet indiquant que l’interview « explique comment il en est arrivé à se retrouver condamné pour corruption de mineur », tout n’est qu’empathie dans le quotidien sportif.
Et ce n’est pas tout. Dès le lendemain, nombre de médias mainstream -dont le magazine Elle– citent leur confrère et annoncent en titre : « Bruno Martini sort du silence… », BFM ajoute même « et assure ne pas être un pédophile ». Le Parisien met en titre et entre guillemets la phrase : « je ne suis pas pédophile »…
Avec la même empathie que l’Equipe, ces journaux reprennent le discours du handballeur qui plaide la dépression. Et au final, l’impression qui se dégage de ce brouhaha médiatique est que les agresseurs sexuels sont des victimes. Victimes d’une société intolérante, victimes de leurs pulsions, victimes d’enfants qui mentent sur leur âge… Il aurait été si simple de ne pas en parler…
Malgré #MeToo, les médias n’en ont toujours pas fini avec cette « culture du viol ».
Lire aussi :
Inversions de culpabilité pour le 8 mars.
Un article de Natacha Henry en 2011 : L’immunité amoureuse dans la presse.
PIERRE BELLANGER, SKYROCK ET L’ÉLIMINATION D’INFOS (2012)
MORANDINI, NORMAN… LA ROMANCE DES AGRESSEURS SEXUELS PASSE MOINS BIEN
Notre rubrique médias.
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