Le gouvernement annonce la mise en place de « pôles spécialisés dans les violences intrafamiliales » dans les 164 tribunaux de France. Ce n’est pas ce qui était attendu pour lutter efficacement contre ce fléau.
Le rapport parlementaire « Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales » de la sénatrice Dominique Vérien (Union centriste), et de la députée Émilie Chandler (Renaissance) a été remis lundi 22 mai 2023 à Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, et à Isabelle Rome, ministre déléguée de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Un rapport que ses autrices ont baptisé « plan rouge vif ».
Et les alertes qui figurent dans ce rapport font scintiller la couleur rouge. Les mesures mises en place à la suite du Grenelle des violences n’ont « cependant pas à ce jour eu un impact significatif sur l’ampleur du phénomène » affirment les autrices du rapport. Le nombre de violences conjugales étant passés de 152.981 en 2019 à 207 600 en 2021. (soit une hausse de plus de 20%)
Leur rapport compte 59 recommandations, autour de trois axes majeurs : la formation, l’organisation des juridictions et la coordination des partenaires. La majorité des mesures concerne plus particulièrement la justice
En recevant ce rapport, Isabelle Rome et Eric Dupond-Moretti ont annoncé « 5 nouvelles mesures pour aller plus loin » qui seront adoptées par voie de décret dès septembre 2023.
La meilleure information des victimes, « notamment en fin de peine avec une réévaluation systématique du danger (décret de décembre 2021) et la protection des enfants du lien parental violent ».
Le déploiement d’outils techniques plus performants, notamment un bracelet anti rapprochement (BAR) 5G nouvelle génération dès juin 2023. (Les bracelets actuels étant souvent défaillants)
Une ordonnance de protection provisoire immédiate. Le sujet fait l’objet de longs atermoiements gouvernementaux (lire : Combat pour protéger l’ordonnance de protection) Il semble que, désormais, « Saisi par le Procureur de la République, le juge aux affaires familiales sera en mesure de statuer dans les 24H sans contradictoire »
En outre, « L’éviction du conjoint violent et des interdictions de contacts devront être conciliés avec les mesures pénales à la disposition du Procureur de la République et du juge pénal. »
La cinquième mesure annoncée, la création de pôles spécialisés au sein de toutes les juridictions, fait grand bruit. Des juridictions spécialisées, et non des « pôles », étaient attendues. Le dispositif annoncé laisse à chaque tête de juridiction le soin de s’organiser pour mettre en place des pôles avec une équipe coordonnée par des magistrats du siège et du parquet référents. Sans donner à ces équipes davantage de moyens pour agir, sans que ces équipes ne soient entièrement dédiées aux violences envers es femmes.
La Fondation des femmes le déplore : « La création de “juridictions” spécialisées, sur un modèle espagnol plébiscité, est rejetée car vue comme un risque potentiel vis-à-vis de moyens insuffisants, tandis qu’il propose un renforcement des moyens du parquet sur ces thématiques. » Sans moyens supplémentaires, même organisée en pôles avec des juristes mieux formés, la lutte contre les violences intrafamiliale a peu de chance de s’améliorer fortement. Les victimes ne trouveront pas davantage d’interlocuteurs. « Pourtant, l’opportunité politique d’un changement en profondeur est là : la création de juridictions spécialisées était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2022, le Parlement est particulièrement dynamique sur le sujet et les États Généraux de la Justice ont permis l’augmentation des moyens de celle-ci. » observe la Fondation des femmes qui « appelle les parlementaires et le Gouvernement à revoir la copie et à s’engager dans une réforme ambitieuse qui permettra la mise en place des juridictions spécialisée. »