Lors d’une compétition de formule 4 organisée par des « influenceurs », la vidéaste a eu un accident. Déferlement de haine sexiste sur les réseaux sociaux, réaction poussive des organisateurs et contre-offensive féministe.
« Ne laissez personne vous dire où est votre place » : c’est le message de Manon Lanza, vidéaste et spécialiste des sports de glisse et sports extrêmes avec sa chaîne « Allons rider », alors qu’elle subit une vague de cyberharcèlement consécutive à un accident lors d’une course de formule 4.
Le samedi 9 septembre, elle participait à un grand prix de Formule 4 (GP Explorer 2) Instagram, organisé au Mans par le vidéaste et « influenceur » Squeezie rassemblant 24 de ses homologues. La course était retransmise sur Twitch. Mais la voiture de Manon Lanza a percuté accidentellement, dans un virage, celle d’un autre coureur influenceur. Et tous les deux ont dû déclarer forfait.
Il s’agit d’un accident assez fréquent dans ce genre de sport mais… femme au volant, cyberharcèlement au tournant. Un tsunami de cyberharcèlement sexiste s’est formé immédiatement. Et l’organisateur de la course, l’influenceur Squeezie, n’a pas cru bon de l’arrêter avant trois jours et des milliers de messages haineux, de menaces de viol, de propos dégradants ont été prononcés… L’influenceur ne s’est adressé à ses influencés que le 12 septembre pour tenter de les calmer…
Pourtant, pendant que Manon Lanza était évacuée en ambulance, et souffrait d’un choc thoracique et d’une hernie cervicale, sur les réseaux sociaux, la violence ne s’arrêtait pas. Aux yeux des courageux internautes qui l’insultaient, elle était responsable de l’accident et ces, -pourtant jeunes- internautes considéraient que les femmes n’avaient rien à faire sur un circuit…
« Qu’on se serve de la moindre petite erreur pour médiatiser du sexisme, c’est inacceptable. On touche à toute la gent féminine à travers moi. Pouvoir lire encore ‘Femme au volant, mort au tournant’, c’est consternant en 2023 » a déclaré lundi Manon Lanza dans les pages du Parisien.
Lundi aussi, des organisations féministes de lutte contre le cyberharcèlement ont dénoncé l’inaction des participants masculins pour endiguer le flot de haine sexiste. Le collectif #NousToutes a appelé, dans un post sur Instagram les organisateurs d’événements en ligne à leurs responsabilités pour protéger les femmes participantes et faire cesser les harcèlements misogynes.
Alors Squeezie a fini par réagir et dire à sa communauté d’arrêter. « Il y a aussi un écart énorme dans la forme des messages qui est beaucoup plus violente quand il s’agit d’une femme. (…) Cassez-vous de ce live ! Cassez-vous de Twitch ! On vous déteste tous ! Vous nous faites honte ! Vous nous mettez dans des bourbiers ! Dégagez de là par pitié ! Ne pas être d’accord avec son comportement ne fait pas de vous un misogyne, mais lancer Twitter pour l’insulter, ça fait de vous un cyberharceleur »… Ce qui n’a pas vraiment calmé les troupes mais a au moins levé le doute sur un silence qui pouvait paraître approbateur. Cette réaction poussive tranche avec la réaction récente des journalistes espagnols qui ont soutenu leur consoeur agressée avec énergie (lire : Espagne : Il agresse une journaliste en direct, il est arrêté par la police)
La bataille culturelle qui oppose ces misogynes aux féministes est encore loin d’être gagnée par les féministes en France. Une bataille que Manon Lanza a mené courageusement, elle l’explique sur Instagram :
«Ils n’enlèveront pas ce qui pétille dans mes yeux quand je fais ce que j’aime ✨
Manon Lanza sur Instagram
Et si la conscience doit s’éveiller par accident alors je veux l’y aider.
Je ne resterai pas silencieuse. Je prend la parole depuis l’accident pour beaucoup de médias. Fatiguée, j’ai enchaîné les interviews. Parce que c’est maintenenant qu’il faut réagir.
C’est toute la gent féminine qu’on a insulté. Je veux que tout cela serve à la cause des femmes. Il n’est pas question qu’on se taise.
Le sexisme doit être puni.»