Alors que les associations de défense des droits des femmes se réjouissent de l’adoption d’un rapport européen sur la législation concernant la prostitution, leurs opposants intensifient leur lobbying pour le contrer.

Jeudi 14 septembre, le Parlement européen a adopté un rapport intitulé « Réglementation de la prostitution dans l’Union européenne : implications transfrontières et incidence sur l’égalité entre les hommes et les femmes et les droits des femmes ». Ainsi, le texte de la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres (FEMM) porté par l’eurodéputée allemande Maria Noichl, du groupe socialistes et démocrates, devient une résolution.
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Et, à nouveau, ce sont les opposants à ce texte qui ont été les plus bruyants avec des médias reprenant souvent à leur compte la rhétorique de ces opposants. De très nombreux journaux ont repris en chœur une dépêche de l’AFP, réduisant le rapport à la pénalisation des clients. « Prostitution : le parlement européen souhaite pénaliser les clients » titre Cnews. La Provence titre « le parlement européen plaide pour une pénalisation des clients de prostituées » etc. Et c’est la même chose dans bien des journaux européens.
Beaucoup moins audible et visible dans le paysage médiatique, un collectif d’associations féministes diffuse un communiqué titré : « Le Parlement européen reconnaît la prostitution comme une violence contre les femmes »
C’est comme si le très long et pénible débat ayant précédé la loi de 2016 de lutte contre le système prostitutionnel en France devait recommencer. (lire notre dossier prostitution)
L’attention des médias se focalise sur le client quand celle du Parlement européen, comme celle de la législation française, se porte sur la protection des personnes prostituées.
Protéger les clients ou protéger les victimes de la traite ?
Le point 27 du rapport rappelle que « 73,6 % des personnes ayant eu recours aux services d’une personne en situation de prostitution avaient une probabilité moyenne ou élevée d’avoir été en contact avec une victime de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. » Et la majeure partie du rapport se consacre au soutien à ces innombrables « victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ». Il veut inciter les pays d’Europe à sortir les victimes de la traite du cauchemar qu’elles vivent. Le rapport explique les mécaniques de déni et la puissance des discours qui placent la liberté pour les clients de disposer de corps de femmes au-dessus de la protection des victimes de la traite.
Avec sa résolution, le Parlement européen veut en effet enrayer ce système en sanctionnant les clients et les proxénètes. Et en cessant de pénaliser les personnes prostituées elles-mêmes, comme le font encore la Croatie ou la Lituanie.
« Personnes prostituées » ou « travailleur.es du sexe » ?
« Être violée n’est pas un travail », les associations féministes rappellent cette parole d’une « survivante de la prostitution citée lors du débat sur l’adoption du rapport d’initiative sur la prostitution lors de la session plénière du Parlement européen ».
Mais en face, quand le Parlement européen parle de « personnes prostituées », les prostitueurs parlent de « travailleur·e·s du sexe». Et les médias reprennent souvent ce terme à leur compte, sans le mettre à distance avec des guillemets.
A la manœuvre des lobbys contre cette résolution européenne, un collectif « Alliance européenne des travailleurs du sexe » a embarqué des ONGs comme Human Rights Watch ou Amnesty International. Ils voient la prostitution comme un travail comme un autre.
Plusieurs enquêtes ont pourtant montré que, même quand la prostitution est légalisée comme en Allemagne, la traite et les violences continuent. L’argument des associations prétendant que la pénalisation des clients augmente la violence subie par les personnes prostituées est – au bas mot- spécieux. Ce sont les clients violents qui sont dangereux, pas la loi.
Malgré cette lapalissade, ces opposants à la résolution européenne se sentent pousser des ailes depuis que la Cour de Justice Européenne a accepté d’examiner un recours qu’ils ont formés contre la loi française de 2016. Accepter d’examiner ne veut pas dire que la Cour leur donnera raison. Mais cela montre leur force de frappe pour imposer leur discours.