La Fondation des Femmes a cinq ans. Cinq ans de combats gagnés pour augmenter les moyens de lutter contre les violences faites aux femmes. Et ce n’est pas terminé.
Quelques jours avant la présentation du Rapport d’impact de la Fondation des Femmes, un chiffre terrible est sorti : en 2020, 40 % des appels au 3919 n’ont pas pu être traités. Les violences conjugales ont augmenté en raison des périodes de confinement. En 2020, le 3919 a reçu 164.957 appels, soit 70% de plus qu’en 2019. Mais moins de 100.000 ont pu être pris en charge faute de personnel et de moyens. Le budget du 3919 n’avait augmenté que de 6 % sur cette période.
Ces chiffres sont une réponse évidente à la question qu’entend le plus souvent la présidente de la Fondation des Femmes, Anne-Cécile Mailfert : « de l’argent pourquoi faire ? » (elle entend aussi « pourquoi pas une fondation des hommes ? » mais la question se fait plus rare. )
Jeudi 4 juin, l’équipe présentait le rapport d’impact de son «premier quinquennat», à la Cité audacieuse, à Paris où la Fondation des Femmes a élu domicile. Cinq ans de bataille pour récolter des fonds au service de la lutte contre les violences faites aux femmes.
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Et le bilan de ces cinq ans est copieux. La présidente rappelle souvent que la Fondation n’est pas seule à agir, mais en rassemblant plusieurs forces, ce collectif peut mettre à son actif plusieurs évolutions.
La Fondation des femmes a redistribué 4,2 millions d’euros vers des actions menées par des associations de terrain comme des nuitées d’hôtel, des permanences juridiques, le développement d’applications qui aident les femmes, des ateliers de reconstruction et des formations ou encore la distribution de 770 000 produits de première nécessité. Le budget de l’Etat dédié aux droits des femmes a augmenté de 52 %. « 52 % de pas grand-chose, très loin du milliard nécessaire » regrette Anne-Cécile Mailfert qui voit tout de même un signal positif dans cette augmentation.
Partant des budgets faméliques des associations luttant contre les violences sexistes, elle se réjouit aussi d’avoir pu augmenter ces budgets d’un million d’euros mais observe que cela reste très loin des 45 millions d’euros de la Société protectrice des animaux….
Capacité transformatrice du droit
Au-delà des chiffres, c’est l’évolution des mentalités opérée pendant ces cinq ans qu’il faut souligner. Le Grenelle des violences réclamé par les associations a eu lieu. « Même s’il a accouché d’une souris » note Anne-Cécile Mailfert, « il a permis de mobiliser l’opinion, les médias, les institutions »
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L’avocate Valence Borgia insiste aussi sur la « capacité transformatrice du droit » permise par les forces rassemblées au sein de la Fondation. Le collectif de 300 avocates intervient dans des contentieux stratégiques, publie des plaidoyers et soutient financièrement des associations. La première action a été d’assister Anne-Cécile Mailfert lorsqu’elle avait été attaquée sur les réseaux sociaux par un collectif de médecins . Elle a répondu à ces attaques par un procès qui a abouti a la première condamnation « pour injure à raison du sexe ».
Autre exemple : dans l’affaire Baupin, accusé d’agressions sexuelles mais relaxé en raison des délais de prescription, les avocates de la fondation ont fait stopper la « procédure baillon » qu’utilisent souvent les agresseurs : ils attaquent leurs victimes pour dénonciation calomnieuse et obtiennent souvent gain de cause. Ce qui dissuade les femmes d’aller en justice. Mais lorsque les victimes sont bien défendues, la qualification des faits par les magistrats peut changer. Dans l’affaire Baupin, c’est lui qui a été condamné pour procédure abusive. Ainsi, la tolérance au sexisme baisse.
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Autre volet important dans ce bilan: l’utilisation du numérique au service de la lutte contre les violences faites aux femmes. La Fondation des femmes soutient Diariata N’Diaye qui a créé App elles, une application permettant d’alerter en cas de violences – que l’on soit victime ou témoin -, d’être mise en relation avec des professionnels et d’agir. App elles est aujourd’hui présente dans 15 pays
Mais ce n’est qu’un début. Tout récemment, face à l’augmentation des féminicides expliqués par des défaillances du système judiciaire et de la police, une note du ministère de l’Intérieur a demandé de mieux prendre en compte les plaintes des femmes victimes de violence…
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Ce n’est pas la première note dans ce sens. Mais sans donner aux forces de police et à la justice des moyens supplémentaires d’agir, ce sera un coup d’épée dans l’eau. La Fondation des femmes va donc continuer à se déployer. Anne-Cécile Mailfert prévient: « A moyens constants, la violence sexiste ne reculera pas»