Officiellement au nom de la parité, et dans le fond au nom de la famille traditionnelle, un argumentaire de l’UMP contre le projet socialiste rejette fermement le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels. C’est la ligne officielle du parti.
C’est une demi-page effarante, sur les 48 pages d’un argumentaire interne, mais disponible sur le site de l’UMP, visant à contrer le projet publié au début du mois par le Parti socialiste. L’UMP s’y s’insurge, points d’exclamations à l’appui : le PS veut « autoriser le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels ! » C’est là, estime le document, « une attaque en règle contre la famille ».
Contacté par le magazine Yagg, le 21 avril, l’UMP ne souhaitait pas – encore – s’exprimer sur cette position. Une semaine plus tard, le service de presse l’assure aux NOUVELLES news : même si la question des droits des homosexuels continue de faire débat au sein de l’UMP, cet argumentaire n’est pas l’oeuvre d’une personne isolée : il exprime bien « la ligne officielle » du parti.
La parité au secours du couple homme-femme
Le texte explique ainsi : « Si nous nous battons pour la parité, c’est bien parce que nous reconnaissons qu’il y a une dimension essentielle à préserver dans l’altérité sexuelle. Il serait paradoxal de se battre pour la parité et de considérer que cela n’a pas d’importance au coeur de famille. »
Pour l’enfant, un père et une mère
Pas question, dès lors, d’ouvrir aux homosexuels les droits réservés au couple homme-femme : « Oui, le droit de mener une vie familiale s’applique à tous, quelle que soit son orientation sexuelle, mais cela n’implique pas le mariage ! Le PS veut le mariage homosexuel au nom de l’égalité, mais un couple d’un homme et d’une femme, ce n’est objectivement pas la même situation qu’un couple de 2 personnes de même sexe, il n’y a donc pas d’inégalité de situation entre les couples hétérosexuels et homosexuels ! »
Et le document de poursuivre : « Pour ce qui concerne l’adoption, nous croyons qu’il n’y a qu’une chose à prendre en compte : l’intérêt de l’enfant. Et l’intérêt de l’enfant, c’est d’être élevé, dans la mesure du possible, par son père et sa mère. »
Cet argument est un classique des organisations prônant la défense de la famille traditionnelle, sur fond de religion. Il était par exemple employé au début de l’année par le très chrétien Family Research Council, qui s’offusquait de la décision du gouvernement des Etats-Unis de reconnaître l’homoparentalité sur les passeports. Une récente analyse internationale le souligne pourtant : « Aucune étude ne vient soutenir la thèse que le genre des parents a une influence sur le bien-être de l’enfant ».
Evolution des structures familiales
En partant du principe selon lequel l’enfant doit être élevé par un père et une mère, il y a en outre de quoi s’inquiéter pour les enfants français, au vu de l’évolution des structures familiales. En 2007, selon l’INSEE, près d’un enfant sur cinq de moins de 25 ans vivait en famille monoparentale : 18%, contre 8% quarante ans plus tôt.
Par ailleurs, « quand on sait que l’adoption est depuis longtemps ouverte aux célibataires, il y a de quoi sourire », considère la socialiste Najat Vallaud-Belkacem, qui a contribué à ce volet du projet socialiste. Et qui souligne : « Plusieurs dizaines d’enfants vivent d’ores et déjà au sein de familles homoparentales sans, loin de là, que cela nuise à leur épanouissement personnel ». Pour l’Association Des Familles Homoparentales (ADFH), ce chiffre est bien plus élevé : jusqu’à 250.000 enfants en France vivraient avec au moins un parent homosexuel.
« Petits clichés et préjugés honteux »
Et l’association, elle, ne sourit pas. « Nos enfants sont discriminés par rapport aux enfants issus de couples hétérosexuels », rappelle-t-elle dans une lettre ouverte adressée le 21 avril au secrétaire général de l’UMP : ces enfants, notamment, ne sont pas protégés en cas de décès du parent légal « puisque le partenaire est un fantôme au regard du droit français ».
Rappelant que la Suède, la Norvège, la Finlande, l’Islande, les Pays-Bas, l’Espagne, la Belgique, la Grande-Bretagne ont reconnu l’homoparentalité, l’ADFH souligne : « ce que nous réclamons, c’est la reconnaissance légale de nos familles ». Et conclut à l’intention de Jean-François Copé : « nous considérons que votre grand parti politique mérite mieux que de brandir des petits clichés et préjugés honteux ».
UMP « tétanisée »
Jean-François Copé n’a pas apporté de réponse à cette interpellation, et ne devrait pas le faire, selon l’UMP. GayLib, mouvement associé à l’UMP qui œuvre en faveur de l’égalité pour les personnes LGBT (lesbiennes, gay, bi et transgenre), souligne que plusieurs personnalités de la majorité se montrent favorables aux droits des homosexuels, citant Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Frédéric Mitterrand, Roselyne Bachelot, Chantal Jouanno, Luc Chatel, Nadine Morano, ou Jeanette Bougrab.
Pour autant, « l’UMP, depuis environ 3 ans, semble comme tétanisée dès qu’il s’agit d’aborder les questions liées à l’égalité des droits pour les personnes LGBT », notait au début du mois le président de GayLib. Pour Emmanuel Blanc, « une grande attente pèse aujourd’hui sur les épaules de Jean-François Copé. » Visiblement pas prêt à y répondre.