Face à l’urgence climatique, la directrice générale du quotidien britannique renonce à certaines recettes publicitaires. Risqué pour le journal. Le financement de la diffusion des idées est complexe.
Anna Bateson directrice générale par intérim du quotidien Britannique The Guardian a pris une décision radicale et risquée pour le financement de son journal : refuser désormais toute publicité des sociétés pétrolières et gazières. Dans un billet publié le 29 janvier, elle rappelle que « nous n’avons que 12 ans pour changer les comportements avant la catastrophe » et salue les adolescents qui font la grève pour le climat, le « défi le plus important de notre époque ».
En refusant la publicité pour les énergies fossiles, elle veut contrer « les efforts menés depuis des décennies par de nombreux acteurs de cette industrie pour empêcher les gouvernements du monde entier de prendre des mesures significatives en matière de climat ». La mesure vise « toutes les entreprises impliquées dans l’extraction de sources d’énergie fossile, au rang desquelles certains des plus gros pollueurs mondiaux. » Anna Bateson se félicite de voir The Guardian devenir « le premier média d’envergure internationale à agir ainsi. »
Et ce n’est pas la première initiative du journal pour faire évoluer l’opinion. En mai dernier, la rédactrice en chef Katharine Viner annonçait que le quotidien Britannique, qui vise la neutralité carbone en 2030, ferait évoluer son vocabulaire et remplacerait par exemple dans ses colonnes les termes « changement climatique » par « urgence climatique».
Refuser des annonces est risqué pour ce journal qui tire près de 40% de ses revenus de la publicité. Anna Bateson sait que beaucoup voudraient que le Guardian fasse la même chose avec d’autres industries polluantes comme l’automobile mais le journal n’y survivrait probablement pas. « Le modèle du financement va rester précaire pour les prochaines années » prévient déjà la directrice.
La question du financement de la presse est cruciale dans la lutte contre le réchauffement climatique. Depuis plus de 40 ans, les voix de celles et ceux qui alertent sur le réchauffement climatique sont couvertes par les voix des chantres de la croissance et de la rentabilité qui influencent les médias les plus bruyants, soit en détenant leur capital soit en leur apportant des recettes publicitaires (parfois les deux). Seuls des médias indépendants puissants comme le Guardian peuvent se permettre de prendre le risque de se couper de recettes publicitaires, mais ils doivent trouver un autre modèle économique pour survivre. Le relais des réseaux sociaux et le soutien des lectrices et lecteurs va être crucial pour continuer à poser un autre regard sur le climat.
Mel Evans, chargée de campagne chez Greenpeace au Royaume-Uni a félicité la direction : « C’est un moment décisif, le Guardian doit être applaudi pour cette initiative audacieuse pour mettre un terme à la légitimité des énergies fossiles » Elle a appelé les autres médias et les organisations artistiques et sportives à lui emboîter le pas. Et a dénoncé des géants des carburants fossiles qui font « de l’écoblanchiment tout en investissant 97% de leur chiffre d’affaires dans le pétrole et le gaz. »
Une autre jeune femme courageuse a salué la démarche, Greta Thunberg qui appelle tout le monde à suivre l’exemple.
https://twitter.com/GretaThunberg/status/1222503147941310468
Si le Guardian parvient à trouver un modèle économique pour rester un journal influent sans la publicité des pollueurs, si d’autres le suivent, le discours des médias va peut-être changer.
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