En séance, les sénateurs ont confirmé leur opposition à la pénalisation des clients de prostituées. Et refusé d’abroger le délit de racolage public.
Sans surprise, les sénateurs ont adopté en séance, lundi 30 mars, le texte de loi de lutte contre le système prostitutionnel tel que l’avait transmis la commission spéciale. C’est à dire sans le principe de pénalisation des clients, et avec le maintien du délit de racolage (Voir : Prostitution : les sénateurs veulent que rien ne bouge).
C’est à une voix près (162 contre 161) que les sénateurs ont voté le maintien du délit de racolage public, pourtant dénoncé par l’ensemble des associations de terrain. Les élus UMP ont voté pour (à l’exception d’Alain Fouché), la gauche contre, les centristes se sont montrés divisés. (Voir le détail du scrutin).
Ils ont également confirmé le choix de la commission spéciale de supprimer l’article de la loi introduisant la pénalisation des clients. Chantal Jouanno (UDI), présidente de la délégation aux Droits des femmes, a bien tenté de proposer un amendement pour réintégrer ce principe dans le texte. Mais sa rédaction n’a pas convaincu à gauche. Résultat, il a été rejeté à une très large majorité.
« Amertume »
« Je regrette que le Sénat ait préféré le statu quo », a conclu la secrétaire d’Etat chargée des Droits des Femmes, Pascale Boistard, en résumant : « les prostituées demeurent vues comme des délinquantes, le client reste roi ». Tandis que Chantal Jouanno fait part de sa « très grande amertume ».
Reste que la navette parlementaire va se poursuivre avec le retour du texte en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. « Notre détermination et notre confiance restent intactes », assurent dans un communiqué Maud Olivier et Catherine Coutelle, les députées socialistes qui défendent le texte, en soulignant que « sans l’interdiction d’achat d’actes sexuels, on laisse dans l’impunité ceux qui contribuent à la perpétuation de la traite d’êtres humains. Maintenir le délit de racolage, c’est maintenir les personnes prostituées dans un statut de délinquant-e-s, alors qu’elles sont les victimes d’une violence intolérable. »
Les autres volets du texte font davantage l’objet de consensus : la proposition de loi contient une série de mesures pour assurer la protection des victimes de la prostitution et leur proposer un projet d’insertion sociale et professionnelle. Le texte renforce également la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme qui utilisent internet.
« Manipulation des chiffres » La Suède a été en 1999 le premier pays à pénaliser « l’achat sexuel », et l’étude du « modèle suédois » a été au cœur des débats au Sénat. Avec une part de mauvaise foi des deux côtés, dans la mesure où il est difficile de tirer des conclusions de la pénalisation des clients (Voir : Punir les clients de prostituées : étude de cas suédois). La sénatrice Esther Benbassa (EELV), fervente opposante à la pénalisation des clients, déplorait ainsi une « manipulation des chiffres », une « malhonnêteté intellectuelle » de la part des tenants de la pénalisation. Et de citer les chiffres d’un rapport récent selon lequel en Suède, depuis 1995, « le nombre de personnes prostituées dans la rue est passé de 650 à 250. En revanche, le nombre d’escort girls et de prostituées en chambre est passé de 304 à 6 965. Le nombre d’hommes prostitués est passé de 190 à 702. » Qui dit manipulation des chiffres ? Ces nombres ne sont pas ceux de personnes physiques mais des annonces relevées sur internet. Et plusieurs annonces peuvent être le fait d’une même personne, selon ce rapport qui conclut : « Rien n’indique que le nombre d’individus engagés dans la prostitution a augmenté. » |