L’idée réapparaît régulièrement : le sperme est bon pour la santé. Il aurait notamment un rôle d’antidépresseur, et réduirait considérablement le risque de cancer du sein. La première affirmation n’est pas si sûre, la seconde s’appuie sur un canular. Passage en revue des pseudo-vérités.
Jeudi 20 juin, le site Terrafemina relance l’idée selon laquelle « le sperme est définitivement bon pour la santé ». D’ailleurs, « de nombreuses études le prouvent » : le sperme est l’aliment idéal grâce à « ses qualités nutritionnelles intéressantes, ses propriétés anti-âge établies et son rôle d’antidépresseur pour les femmes ».
Des affirmations péremptoires pas du goût de tout le monde… « Sperme, fontaine de jouvence, de santé, de beauté…On prend encore les femmes pour des tartes avaleuses de couleuvres ! », s’insurgeait sur Twitter la sexosophe canadienne Jocelyne Robert. Car il y a un léger problème : non seulement ces « nombreuses études » sont rares, mais elles sont aussi contestables… quand il ne s’agit pas de canulars…
Bienfait numéro 1 : le sperme aurait des vertus d’antidépresseur.
PAS PROUVÉ
C’est en fait une étude, et une seule, qui a abouti à cette conclusion. Elle a connu une résurgence médiatique à l’été 2012 et on la retrouve sur une multitude de sites, mais elle date déjà de plus de 10 ans : c’est en 2002 que des chercheurs états-uniens publiaient dans Archives of Sexual Behaviour Journal cette étude menée auprès de 293 femmes. Que montrait-elle ? Que les femmes ayant des rapports sexuels non protégés (et donc, dont le corps entrait en contact avec du sperme) étaient moins dépressives.
Mais ce qui est établi là c’est une simple corrélation, et non pas un lien de cause à effet, comme le soulignent nombre d’observateurs. Et nombreux sont les commentateurs scientifiques qui ont estimé que cette étude n’apporte pas tous les gages de sérieux. Comme on peut le lire sur Phsychology Today : non seulement elle n’apporte pas la preuve que la semence a un effet antidépresseur, mais elle ne laisse voir aucun caractère biologique qui expliquerait son effet positif sur l’humeur.
Bienfait numéro 2 : avalé, le sperme permet de réduire le risque de cancer du sein.
FAUX : CANULAR
Cette affirmation s’appuie sur une autre étude d’une université de Caroline du Nord, datée de 2003 et menée auprès de 15 000 femmes. Celles qui pratiquent régulièrement la fellation et avalent le fluide éjaculatoire auraient une incidence de cancer du sein de 1,9%, les autres de 10,4%. On en retrouve de multiples traces sur internet. Problème : cet article était un canular orchestré par un étudiant, comme l’explique notamment l’American Cancer Society.
Bienfait numéro 3 : le sperme est un atout anti-vieillissement.
LES EFFETS DIRECTS RESTENT A PROUVER
C’est une étude dirigée par des chercheurs autrichiens, publiée en 2009, qui justifie cette affirmation. Ils ont isolé une amide, la spermidine, présente en grande quantité dans le sperme (mais aussi, par exemple, dans les ananas) et qui augmenterait la durée de vie des cellules immunitaires. Rien ne dit pour autant qu’avaler de la semence ou s’en tartiner la peau rend plus jeune. Le chercheur qui menait les travaux, Frank Madeo, le disait lui-même à la revue Advancing Chemical Science :
« Il faudra encore de nombreuses recherches pour savoir si cela a un effet direct sur le vieillissement humain ». Et d’ajouter : « Les gens peuvent toujours essayer de rester jeunes en mangeant beaucoup d’ananas et en faisant beaucoup l’amour – ça ne marchera sans doute pas mais ça ne devrait pas leur faire de mal ».
Quatrième et dernier bienfait : avaler du sperme a un intérêt nutritif.
OUI, MAIS MINEUR
Terrafemina liste ainsi les « nutriments essentiels » qu’il contient : « acide docosahexaénoïque (présent dans les oméga-3), des minéraux comme le potassium, le magnésium ou le sélénium. Il contient également de l’alcaline, un brûle-graisse reconnu. Il contiendrait en outre autant de protéines que le blanc d’œuf ». Cela n’est pas contesté. Reste qu’un éjaculat ne contient qu’une dose infime de ces éléments. Et Terrafemina ne va pas jusqu’à suggérer d’en avaler des litres…
EN BONUS :
Les qualités du sperme selon Terrafemina ont inspiré cette remarque de ‘Mommy’s bad trip’ sur Twitter : « A ce rythme-là je me demande pourquoi ce sont nos seins qu’on fait téter à nos gosses… ».
Tout aussi inspiré, ce commentaire sous l’article : « Sinon j’ai aussi une autre étude allemande qui dit que le sang menstruel aurait un excellent effet sur le cancer colorectal et qu’il contiendrait plus de protéines (et moins de graisse) que 500g de steack haché ».
(A noter que la photo illustrant cet article ne représente rien d’autre qu’une blanquette de veau.)
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