Par décret pris le dernier jour du gouvernement Attal, l’ex-ministre et ex-députée de Gironde remplace une présidente visée par une enquête inachevée de l’Igas. Dans les coulisses de ce limogeage un combat idéologique est évoqué.
« Par arrêté du Premier ministre en date du 16 juillet 2024, il est mis fin, dans l’intérêt du service, aux fonctions de Mme Sylvie Pierre-Brossolette en qualité de présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes » peut-on lire dans le Journal Officiel de ce mercredi 17 juillet alors que le Premier ministre, Gabriel Attal a démissionné le jour où il a signé le décret.
Bérangère Couillard, qui a été ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le gouvernement d’Elisabeth Borne, avait perdu son siège de députée de la Gironde le 7 juillet dernier. Selon nos informations, Sylvie Pierre-Brossolette a été informée de son éviction par un appel téléphonique de l’actuelle ministre en charge des Droits des femmes, Aurore Bergé, quelques minutes avant que ne sorte la dépêche de l’AFP.
« Propos à la limite de la légalité »…
Le limogeage de Sylvie Pierre-Brossolette couvait depuis mai dernier. Médiapart avait rendu publique une lettre de salarié.es du secrétariat général du HCE affirmant avoir été « témoins, de manière fréquente, de propos à la limite de la légalité tenus par la présidente et les coprésident·es ». Selon une dépêche de l’AFP, les salariés reprochaient à l’équipe dirigeante des « propos violents sur le ton de l’humour contribuant à banaliser et diffuser la culture du viol et à culpabiliser les victimes », des « propos stigmatisants pour les personnes LGBT + réitérés en dépit de mises en garde sur le sujet », ou encore des « propos racistes et islamophobes ».
Cette lettre datait de janvier 2024. Quand elle est sortie dans la presse, les salarié.es ont quitté leur lieu de travail par « mesure conservatoire » et une enquête de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) a été diligentée. L’enquête de l’Igas n’était pas terminée puisque des membres du HCE répondaient encore aux enquêteurs le 16 juillet, mais le gouvernement sortant a anticipé.
… et bataille ideologique
Mais derrière ce jeu de chaises musicales, pourrait se jouer un autre combat. En mai dernier, Sylvie Pierre-Brossolette avait « contesté formellement » les accusations portées contre elle et avait dénoncé une « volonté de déstabiliser » le HCE et sa ligne « abolitionniste et universaliste ».
Et, dans un communiqué consécutif à la publication de la lettre des salariés, La France Insoumise (LFI) demandait la démission de Sylvie Pierre-Brossolette, dénonçant son comportement avec les salarié.es mais pas seulement. LFI dénonçait « la fragilisation du pluralisme idéologique » du HCE…
Sylvie Pierre-Brossolette parlait de ligne claire « abolitionniste et universaliste » et de lutte contre l’exploitation sexuelle des femmes. Mais cette ligne déplait à quelques groupes qui veulent en finir avec la loi de lutte contre le système prostitutionnel de 2016.
Une ligne clairement suivie dans le rapport sur la pornocriminalité qui a fait grand bruit fin 2023. Ce rapport irrite la puissante industrie du porno qui défend le système prostitutionnel quand le féminisme universaliste le dénonce.
Lire : CONTRE LA PORNOCRIMINALITÉ, LE HCE DÉNONCE L’INACTION DES AUTORITÉS
La présidente change mais la ligne « abolitionniste et universaliste » devrait rester
Cependant, la nouvelle présidente du HCE ne devrait pas s’éloigner de la ligne « abolitionniste et universaliste ». Ce qui fait déjà grincer quelques dents : « J’allais être content pour la lutte des droits des TDS, puis j’ai vu le nom de sa remplaçante… » écrit un éditeur de vidéo pornos à propos du limogeage de Sylvie Pierre-Brossolette. (TDS est l’acronyme de « travailleuse du sexe », terme employé par les antiabolitionnistes quand les abolitionnistes préfèrent parler de « personnes prostituées » – souvent contre leur gré- ou « d’esclavage prostitutionnel »)
Ajout le 19 juillet. Cinq membres du HCE ont annoncé leur démission. « En soutien à @SPBrossolette et en réaction aux procédés détestables qui ont conduit à son départ, j’ai remis ma démission du Haut Conseil à l’Égalité. » a écrit sur X, Xavier Alberti, ex-coprésident de la « commission stéréotypes et rôles sociaux »
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