L’examen du projet de loi instituant des binômes paritaires pour élire les futurs conseillers départementaux débute cette semaine au Sénat. Débats enflammés en perspective.
Un élu, une élue. C’est un projet de loi qui ne fera descendre personne dans la rue, mais qui risque de créer des discussions enflammées entre parlementaires. Le Sénat entame mardi 15 janvier l’examen du projet de loi consacré au mode d’élection des conseillers départementaux – le futur nom des conseillers généraux. Le texte, présenté le 28 novembre par le gouvernement, instaure un mode de scrutin inédit afin de parvenir à une parité parfaite : le scrutin binominal majoritaire.
Concrètement, les électeurs auront à voter non pas pour un(e) seul(e) candidat(e), mais pour un binôme, un homme et une femme se présentant en commun. Chacun des candidats aura un remplaçant du même sexe. Une fois élu, chaque conseiller départemental exercera son mandat indépendamment de son binôme.
Un tel dispositif de scrutin binominal majoritaire serait une première mondiale (1). Et les conseils départementaux seront ainsi automatiquement paritaires, alors qu’ils comptent aujourd’hui moins de 14% de femmes. Mais cette disposition passera-t-elle l’étape du Parlement ? Ce n’est pas si évident. Car deux éléments suscitent les réticences de nombre d’élus et d’élues.
Parité renforcée dans les petites communes
Une autre mesure inscrite dans le texte et visant à favoriser la parité s’annonce moins controversée. Il s’agit de réformer le mode de scrutin, actuellement complexe, pour les élections municipales dans les communes de moins de 3500 habitants (et de plus de 1000). C’est le scrutin de liste, comme dans les plus grandes villes, qui aura désormais cours.
Dans ces petites villes, au nombre de 6 500, moins d’un tiers des conseillers municipaux élus en 2008 sont des femmes (et seulement 11% sont maires). La réforme devrait permettre d’atteindre une quasi-parité dans ces communes, et de voir 16 000 femmes de plus élues dans les conseils municipaux.
Idée « choquante, voire humiliante »
D’abord, la conséquence directe de cette élection d’un binôme : pour ne pas doubler le nombre de conseillers départementaux, c’est le nombre de cantons qui devra être divisé par deux. La perspective d’un tel redécoupage massif a de quoi effrayer, surtout dans l’opposition, qui craint que les territoires ruraux y perdent de leur influence.
Ensuite, le choix par le gouvernement de ce mode de scrutin lui-même est loin de faire l’unanimité, même dans les rangs de la gauche. Et même au PS. Catherine Coutelle, la présidente socialiste de la délégation de l’Assemblée aux droits des femmes, est vent debout contre cette idée qu’elle juge « choquante, voire humiliante et aux antipodes du combat des femmes pour la dignité et l’égalité. »
Les écologistes se posent de leur côté en partisans du scrutin proportionnel, comme pour les conseils régionaux. Une option que le projet de loi réfute au nom de « l’ancrage territorial » des conseillers départementaux. « La parité ne consiste pas à couper les représentants en parts strictement égales », lançait la sénatrice EELV Hélène Lipietz lors de l’examen du texte par la commission des lois, le 21 décembre.
Hypothèse d’un changement de sexe
Jusqu’où peut aller l’exigence de parité ? La question risque d’échauffer les parlementaires en séance. Les examens préliminaires ont déjà montré à quel point le cadre du débat risque d’être poussé jusqu’à l’absurde. Un amendement déposé par l’UMP Jean-Jacques Hyest (reprenant une idée de son confrère de gauche Pierre-Yves Collombat) prévoit l’hypothèse d’un « changement de sexe de l’un des membres du binôme durant l’exercice de son mandat ». En quel cas le binôme serait « déclaré démissionnaire d’office ».
Un autre UMP, Jean-René Lecerf, posait en commission des lois cette autre question : « Comment fera-t-on avec un candidat transsexuel ? »
L’examen du texte débutera mardi 15 janvier à 21h30 au Sénat, et devrait se poursuivre jusqu’à vendredi.
Pour aller plus loin :
Le dossier législatif sur le site du Sénat
(1) On entend parfois, jusque chez les parlementaires, évoquer l’existence d’un tel mode de scrutin au Pays de Galles, en Écosse ou en Islande. Ce n’est pas le cas, en tous cas pas pour les élections au parlement dans ces régions ou pays. L’Assemblée du Pays de Galles est certes devenue en 2003 le premier corps législatif parfaitement paritaire (avec 30 femmes sur 60), mais cela n’était pas dû à des mesures contraignantes. Et la proportion est redescendue à 40% suite aux dernières élections en 2011. Ce n’est pas davantage le cas en Écosse, dont le Parlement a vu 35% de femmes élues en 2011. En 2009, 43% de femmes ont été élues au parlement islandais. Là encore sans dispositif particulier.