Deux chercheuses d’Oxford viennent d’établir l’Indice de Pauvreté Multidimensionnel (MPI). Un nouvel outil afin de mieux appréhender la pauvreté dans le monde, en s’appuyant sur les situations des familles et des populations, et les différents facteurs qui font la pauvreté. Cet outil, plaident ses auteures, a toute son utilité dans l’optique des Objectifs du millénaire pour le développement.
Comment prendre en compte, au plus près des individus, les situations de pauvreté dans le monde, et retranscrire leur complexité ? Deux chercheuses d’Oxford, Sabina Alkire et Maria Emma Santos (photo), viennent de présenter un nouvel outil : l’Indice de Pauvreté Multidimensionnel (Multidimensional Poverty Index, MPI). Les deux chercheuses sont spécialistes de la question (Sabina Alkire est la directrice de l’OPHI, département de l’université d’Oxford consacré à la pauvreté et au développement humain) et conscientes de la relativité de la tâche : les causes de la pauvreté sont interconnectées, répètent-elles. Par ce nouvel indice, elles entendent mesurer plus humainement la pauvreté « aigüe », et rendre compte de ses multiples manifestations, en ne se limitant pas aux aspects économiques mais en éclairant différentes formes de privation. Et en choisissant de prendre le foyer comme unité de mesure.
Le MPI révèle la combinaison des privations qui touchent un foyer. Un foyer est identifié comme « multidimensionnellement pauvre » si les privations atteignent un niveau de 30 %, calculé à partir de ces indicateurs :
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Leur ambition : produire un système de mesure et d’analyse à l’image de l’Indice de développement humain, utilisé par les Nations Unies, et qui repose sur trois dimensions : l’Education, la Santé et le Niveau de vie. Le MPI reprend d’ailleurs ces trois dimensions, en y intégrant 10 indicateurs (voir encadré). Il sera désormais utilisé pour les prochains travaux du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement).
« Les plus pauvres des pauvres » sont 1,7 milliard
Sabina Alkire et Maria Emma Santos ont étudié 104 pays en développement, qui abritent 5,2 milliards d’humains. Parmi ceux-ci, 1,659 milliard, soit près d’un tiers de la population, sont pauvres à l’aune du MPI. Ce sont « les plus pauvres des pauvres du monde en développement », écrivent les auteures. Il peut s’agir par exemple « d’une famille dont un membre est en sous-nutrition et dont aucun membre n’a étudié plus de 5 ans. Ou d’un foyer qui a connu une mort infantile et est privé d’au moins trois indicateurs de niveau de vie. »
Dans cette optique, les pays les plus pauvres se retrouvent en Afrique noire. Niger, Ethiopie, Mali, Centrafrique, Burundi, pour les 5 en bas de l’échelle. Mais en terme de population, l’indice montre que l’Asie du sud concentre le plus de pauvreté . Elle représente 29.5 % de la population totale étudiée, mais abrite 51 % de la population pauvre. Les calculs indiquent que l’Etat le plus pauvre de l’Inde, le Bihar, compte davantage de pauvres (95 millions) que 9 des 10 pays les plus pauvres d’Afrique.
« Formidable potentiel pratique » pour les politiques de développement
Les auteures tiennent à signaler que leur approche contient une différence de taille avec celle privilégiée jusqu’à présent par l’ONU : le MPI se penche sur les populations plus que sur les nations. « Notre analyse insiste sur le nombre de personnes dont les vies sont sujettes à des privations multiples – et non sur le nombre de pays », écrivent-elles. Dans l’optique de l’ONU, la vie d’un citoyen des Maldives pèserait 3000 fois moins que celle d’un habitant de l’Inde, puisque « l’Inde est 3 000 fois plus peuplée que les Maldives, mais chacun est considéré à part égale comme un pays d’Asie du Sud » par l’ONU au regard des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Des objectifs fixés pour 2015, et qui seront l’objet d’un sommet à New-York en septembre.
Sabina Alkire et Maria Emma Santos estiment que l’indice qu’elles proposent « offre un formidable potentiel pratique pour atteindre les OMDs ». Rappelant que 8 des indicateurs qu’elles utilisent recoupent ces objectifs de développement. Et que leurs outils affinés peuvent « contribuer à mieux comprendre les interconnections entre les privations, et aider à identifier les trappes à pauvreté ». Des outils au service des Etats, des agences de développement et autres institutions, afin de renforcer la compréhension et déterminer les politiques les plus efficaces pour sortir les populations de la pauvreté.