L’article 225, qui oblige les entreprises à fournir des rapports sociaux et environnementaux, devait être emblématique de l’esprit du Grenelle de l’environnement. Son décret d’application, publié en catimini, est surtout emblématique du reniement, dénoncent des associations.
Sitôt publié, sitôt abrogé. Un décret controversé sur l’évaluation des enseignants par les chefs d’établissements, publié le 8 mai au Journal officiel, sera abrogé « dès la prise de fonction de François Hollande », a annoncé dès le lendemain Vincent Peillon, conseiller éducation du président élu.
Le nouveau gouvernement reviendra-t-il également sur un autre décret sensible, mais passé beaucoup plus inaperçu ? C’est ce qu’espèrent les associations membres du Forum citoyen pour la RSE (responsabilité sociale des entreprises). Publié au Journal officiel le 26 avril, entre les deux tours de la présidentielle, ce décret précise les obligations de transparence des entreprise en matière sociale et environnementale. Mais pour le Forum citoyen pour la RSE, ce décret s’apparente à un « tour de passe passe », qui « va à l’encontre de la lettre et de l’esprit » du Grenelle de l’Environnement.
« Emblématique »
Car ce décret vient mettre en application l’article 225 de la loi dite « Grenelle 2 ». Et ce n’est pas rien, puisque « cet article fondamental peut être considéré comme emblématique de l’esprit nouveau qu’a tenté de promouvoir le Grenelle de l’environnement », soulignait le député UMP Bertrand Pancher dans son rapport sur l’application de cette loi, remis en février dernier à l’Assemblée nationale. Il y voit aussi « une étape décisive, celle de l’entrée de nos entreprises dans l’économie verte. » Rien que ça. Mais « les atermoiements qui ont entouré les conditions de sa mise en œuvre constituent malheureusement encore aujourd’hui un point de préoccupation », relevait déjà le député. Aujourd’hui, le Forum citoyen pour la RSE entend déposer un recours auprès du Conseil d’Etat. Car souligne-t-il, le Conseil a par deux fois, déjà, donné un avis défavorable au projet de décret que lui avait présenté le gouvernement.
Double indicateur contesté
Ce que les associations mettent en cause, c’est tout particulièrement le fait que le décret introduit un « double indicateur » : des obligations distinctes aux entreprises, selon qu’elles sont cotées ou non. A titre d’exemple, écrit le Forum, « selon ce nouveau décret, Auchan, entreprise non cotée, ne devra rendre des comptes que sur quelques sujets sociaux et environnementaux alors même qu’elle exerce son activité dans un secteur connu pour ses violations en matière des droits des travailleurs. » Pour le gouvernement, il s’agit de veiller à « préserver la compétitivité des entreprises par la maîtrise de la charge administrative qui leur est imposée. »
Avant le décret, la question de la loi
Dès le début de l’année 2011, les associations (et le député Bertrand Pancher déjà) s’inquiétaient d’un lobbying patronal pour réduire la portée du texte. Mais en amont de ce décret, c’est une loi qui pose problème. La « loi Warsmann », vaste-fourre tout sur « la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives » (1) adoptée le 22 mars, avait porté les premiers coups à cet article 225. Des coups que ce décret, en fait, ne fait qu’entériner. La loi Warsmann, rappelle le Forum, « dispense les filiales de communiquer sur les impacts sociaux et environnementaux, alors que la plupart des violations se situent justement au niveau des filiales d’entreprises françaises à l’étranger. » C’est aussi dans cette loi, via un amendement, qu’avait été réintroduit le principe de distinction entre entreprises cotées et non cotées.
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