Le 4 décembre dernier, le gouvernement présentait sa nouvelle Charte 2023-2026 pour une représentation mixte des jouets. Le sujet suscite toujours des réactions scandalisées.

À quelques semaines de Noël, période faste pour les vendeurs de jouets du monde entier, Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, ont présenté à des représentants de la filière une nouvelle Charte pour une représentation mixte des jouets. Cette troisième charte, édition 2023-2026, a pour but de continuer le travail déjà amorcé il y a plusieurs années auprès des industriels, associations, distributeurs, unions de consommateurs et professionnels de l’enfance, pour nourrir une réflexion sur le caractère genré des jouets proposés aux enfants.
Codes couleur et packaging plus neutre, mises en scène des jouets mixtes, sensibilisation des parents, implication de l’ARCOM dans la vigie des publicités à caractère sexiste … Si de nombreux industriels du monde des jouets ont fait des progrès quant à la question des stéréotypes de sexe, le gouvernement compte avec cette nouvelle charte aller encore plus loin, notamment par un bilan annuel des engagements des acteurs signataires, transmis au gouvernement. « La charte pour une représentation mixte des jouets est un pas important dans la lutte contre les stéréotypes ancrés dès le plus jeune âge, notamment par le biais des jouets » a ainsi indiqué Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie. Pour Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, « la déconstruction des stéréotypes de genre, dès le plus jeune âge, c’est la première des actions à mener pour se rapprocher de l’égalité entre les femmes et les hommes ».
Des engagements avaient été renouvelés en 2021, par exemple sur les jeux scientifiques et les déguisements : les jeux scientifiques devaient être davantage mis en valeur, pour promouvoir les filières et métiers scientifiques et technologiques auprès des filles et des garçons. De plus, les déguisements pour enfants devaient sortir d’une distinction genrée, pour « accorder plus de place à la présence d’héroïnes telles que super-héroïnes, justicières, piratesses plutôt que princesses ou reines de beauté », indiquait le gouvernement.
« Fichez la paix à nos enfants ! »
Il n’aura fallu que quelques minutes, sous ce simple tweet de Roland Lescure, pour que la haine et les résistances ne se déploient contre cette initiative. Bien sûr, Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, a joué avec son thème de prédilection dénonçant des « billevesées woke ».
Dans la foulée, des réactions ont déferlé sur X : certains internautes blâmant l’utilisation de leurs impôts pour ce type de mesures, d’autres comptes partageant des photos de la petite Lola et du jeune Thomas, tué il y a quelques semaines après une fête et dont le meurtre a été récupéré par l’extrême-droite ; et d’autres affirmant que le choix des jouets provient de la « nature ». « Quelle ineptie ! Quelle démagogie ! Quelle méconnaissance de la psychologie des enfants ! Un enfant a absolument besoin de stéréotypes pour se construire. Il a besoin de construire son identité à partir de stéréotypes. voudriez-vous des enfants sans repère enclins au suicide? » écrivait ainsi un internaute. Mais une réflexion commune à la plupart de ces réactions : « fichez la paix à nos enfants », « laissez nos gamins tranquille au lieu de vouloir en faire des supra consommateurs androgynes », « Rien d’autre à foutre que polluer les gosses avec votre idéologie tordue ! ». Sans oublier une horde de propos homophobes, sexistes et transphobes.
Le sujet n’est toutefois pas nouveau : déjà en 2021, Eugénie Bastié s’insurgeait contre une nouvelle « lubie woke » à la suite d’un rapport parlementaire des députés Gaël Le Bohec (LREM) et Karine Lebon (Gauche radicale) au nom de la Délégation aux droits des femmes, portant la place des jouets genrés dans la perpétuation des stéréotypes. La journaliste du Figaro martelait dans son article les différences biologiques qui amènerait une différenciation naturelle des choix de jouets. « Si pression sociale il y a, c’est bien dans l’autre sens: les enfants passent moins de temps aujourd’hui à jouer avec des jouets genrés, non pas parce qu’ils auraient retrouvé l’état de nature cher à Rousseau, mais parce qu’au contraire les adultes les y obligent à travers des politiques ciblées » écrivait-elle.
Pourtant, de nombreuses études montrent que le caractère genré des jouets a des conséquences sur la socialisation des enfants : en leur proposant des jouets perpétuant des stéréotypes, les enfants se retrouvent assignés à des rôles genrés stéréotypés, du bricoleur à la ménagère. Et ce, dès le plus jeune âge. Malgré les efforts des industriels du jouet, comme le note régulièrement le compte Pépite Sexiste, qui analyse les stéréotypes genrés dans la publicité, les clichés continuent à avoir la peau dure.
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