Féministe ou rien. Les ministres des Affaires étrangères et du Développement allemandes veulent créer « un réflexe féministe » en politique étrangère. Alors que la diplomatie féministe avance mollement, (ou recule) dans le monde.
Mercredi 1er mars en Conseil des ministres, la ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, a présenté, avec la ministre sociale-démocrate du Développement Svenja Schulze, la politique étrangère féministe de l’Allemagne. Il s’agit, a expliqué Annalena Baerbock, d’intégrer « les perspectives des femmes et des groupes marginalisés dans notre travail mondial pour la paix et la sécurité » dit autrement : « faire en sorte que nos politiques atteignent tout le monde» (pas seulement les hommes). Et de « renforcer la présence des femmes dans les négociations de paix et le contrôle des armements ».
Un rapport sur les nouvelles lignes directrices – intitulé « Shaping Feminist Foreign Policy » « Façonner une politique étrangère féministe » avait été prévu dans l’accord de coalition par Annalena Baerbock pour former un gouvernement entre son parti vert, les Démocrates libres, et les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz.
Ce rapport présente dix grandes lignes directrices. Des principes qui guideront la politique étrangère nationale, y compris au sein de l’Union européenne, et qui « façonneront notre fonctionnement interne et nous aideront à former un ‘réflexe féministe’ » écrit la ministre des Affaires étrangères allemande. Pour ses collaborateurs, chaque décision doit être soumise à la question : « Est-ce que c’est féministe ou est-ce que ça peut disparaître ? ».
Ainsi, l’offre d’aide humanitaire à l’étranger, tout comme la question du changement climatique ou de l’énergie, devront tenir compte de la dimension de genre. La politique étrangère devra garantir que les femmes soient impliquées dans les processus économiques.
La « budgétisation sensible au genre », est un outil phare de cette politique. Selon les journaux allemands, en plus de dépenser 85 % des fonds du projet de manière « sensible au genre », le ministère des Affaires étrangères a l’intention de dépenser 8 % supplémentaires de manière « transformatrice en matière de genre » c’est-à-dire sur des projets qui « remettent activement en question les normes de genre ».
L’un des objectifs du ministère des affaires étrangères est ainsi de « faire progresser de manière mesurable l’égalité des sexes dans le monde ». La ministre souhaite également créer un nouveau poste d’ « ambassadeur pour la politique étrangère féministe. »
« Nous poursuivons une politique étrangère féministe parce que c’est absolument nécessaire. Parce que les hommes et les femmes ne sont toujours pas égaux dans le monde », écrit Annalena Baerbock.
Les conservateurs de comprennent pas…
Bien sûr, l’idée déplait à l’opposition. Le Premier ministre bavarois Markus Soeder, qui préside le parti CSU, a déclaré au Mediengruppe Bayern que ce plan était « incompréhensible » et que « voyager à travers le monde et dire aux autres ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire est voué à l’échec. » Incompréhensible ? Il semble que les hommes politiques bien installés à la table de la diplomatie internationale ne font pas beaucoup d’efforts pour comprendre et n’aiment pas que des femmes disent aux autres ce qu’ils doivent faire…
Il faudra encore beaucoup de femmes à des postes de pouvoir pour mettre en place une diplomatie et plus largement une politique féministe. Les résistances sont fortes. La Suède, qui avait été le premier pays à s’engager sur cette voie en 2014 sous l’impulsion de Margot Wallström, alors ministre suédoise des affaires étrangères, a annoncé en octobre dernier, mettre un terme à la « diplomatie féministe. »
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Il s’agissait de plaire à l’extrême droite qui soutient le gouvernement fraîchement arrivé au pouvoir. La majorité des dirigeants du monde ne veulent pas renoncer à des intérêts économiques pour défendre les Droits des femmes. Le nouveau gouvernement suédois évoquait d’ailleurs, pour renoncer à cette diplomatie féministe, une affaire de 2015.
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Des pays comme le Canada, le Mexique, l’Espagne, le Chili, les Pays Bas ou même la France, se targuent de mener une diplomatie féministe depuis peu, mais il est encore difficile d’en voir les effets.
Pourtant, comme l’ont dit les ministres lors de la présentation de la nouvelle politique étrangère, de nombreuses études montrent que politique étrangère féministe et la politique de développement féministe ne bénéficient pas seulement aux femmes, mais à « toute la société », assure Annalena Baerbock. Et Svenja Schulze d’ajouter : « Si les femmes ont les mêmes droits et assument la même responsabilité, il y aura moins de pauvreté, moins de faim et plus de stabilité dans le monde. »
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