Mardi dernier sur France 3, « Dodo la saumure » a fait l’apologie des « souteneurs » de prostituées. Et malgré les réactions indignées, toujours pas de contre-feu.
Pendant plus de 20 minutes, face à un Frédéric Taddeï précisant à plusieurs reprises que son invité n’est pas inquiété dans l’affaire DSK, Dominique Alderweireld a pu s’exprimer très librement sur la télévision de service public, mardi 11 décembre. Surnommé « Dodo la Saumure », l’homme est tenancier de « bars montants » et autres « salons de massage » en Belgique, le long de la frontière française. L’animateur du « magazine culturel » de France 3 Ce soir ou jamais l’affirme à plusieurs reprises : en Belgique, les maisons closes ne sont pas interdites. Alors Dodo la Saumure peut deviser gentiment sur le « métier normal » qu’il exerce. Frédéric Taddeï ne mentionne pas qu’il a été condamné à cinq ans de prison avec sursis par la justice belge en juin 2012 pour ses activités de proxénétisme. La loi belge, un peu ambigüe, interdit le proxénétisme mais autorise les bars et salons de massage.
Euphémismes et glorification
Tout le répertoire des euphémismes et autre glorification du proxénétisme y passe : les « filles » ? Il les soutient… moralement même ! Les maisons closes ? Mais ça a toujours existé mon bon monsieur, c’est ridicule de les interdire ! Dodo la Saumure se montre érudit, citant un édit de Ferdinand 1er ou l’épouse de Périclès qui tenait une maison de débauche. Et l’animateur d’opiner, ça a toujours été mal vu… Alors Dodo poursuit, c’est un métier « naturel ».
L’argent ? Bah, il prend 50% de ce que les « filles » gagnent pour se payer et payer ses charges… L’animateur de l’émission ne cherche pas à approfondir le sujet… 50% ! Et Dodo, de continuer sur ce ton débonnaire sans contradiction. Frédéric Taddeï aborde brièvement la question de la traite des « filles »… Pas chez moi, dit Dodo, elles sont consentantes. Mais l’animateur ne réagit pas quand Dodo trébuche : oui, il fait venir des filles de l’étranger. Il leur « offre » le billet… enfin il le leur avance, rectifie-t-il, et elles doivent rembourser avec leur travail. Un journaliste averti aurait pu lui demander s’il leur confisquait leur papiers jusqu’à ce qu’elles aient remboursé le billet, pratique courante dans le milieu pour éviter qu’elles s’échappent sans rembourser. Il aurait pu aussi demander si les réseaux qui font transiter ces prostituées menacent de s’en prendre aux familles des récalcitrantes, bref, il aurait pu montrer la face sordide de la prostitution et du proxénétisme. Il y avait matière.
Frédéric Taddeï faisait partie de l’équipe formée par Michèle Reiser au sein de la commission sur l’image des femmes dans les médias nommée par le gouvernement en 2009, renouvelée par Roselyne Bachelot en 2011. Michèle Reiser, en intégrant dans cette commission des personnes peu informées sur le sujet, pensait les sensibiliser. C’est réussi ! La commission a été supprimée par l’actuelle ministre des Droits des femmes pour être intégrée au sein d’un nouvel Observatoire de la parité en cours de constitution.
Au lieu de cela, la télévision de service public a donné à voir « un petit chauve qui fait rêver les filles » avec d’entrée de jeu la projection d’un extrait du film Les Bons Vivants, séquence nostalgie et regret de la fermeture des maisons closes.
Voile sur les réactions horrifiées
Plusieurs réactions « horrifiées » se sont fait jour sur la toile. Thalia Breton, porte-parole d’Osez le féminisme a par exemple écrit une longue analyse sur Le Plus, citée dans À dire d’elles qui propose un texte à adresser à France Télévisions. Le Courrier de Diké décrypte le business model du proxénétisme. La chaîne a dû recevoir des dizaines, voire des centaines de courriers.
Mais le programme de ce mardi 18 décembre ne laisse aucune place pour une vision moins joviale du proxénétisme. C’est un autre français exilé en Belgique, pour des raisons fiscales, qui aura la vedette cette fois-ci. Les amateurs de saumure ont pignon sur média. Et ce n’est pas fini : on apprend en fin d’émission que celui qui a micro ouvert sur la chaîne de service public va publier un livre indispensable sur « sa vie, son œuvre ». Une occasion de revenir dans le « magazine culturel » de France 3…
Ajout 18 décembre
– En raison d’un mouvement de grève, l’émission de ce soir est annulée. (Ce qui ne change pas grand chose pour le sujet).
– Lire aussi : Ce soir, plus jamais ! sur le site de l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT)
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