Une nouvelle étude montre comment les finances publiques mettent les femmes en situation de dépendance économique vis-à-vis des hommes. La France est un des derniers pays européens à appliquer de telles politiques.

« La dépendance économique des femmes, une affaire d’État » : le titre de la nouvelle « note » de « l’Observatoire de l’émancipation économique des femmes » créé par la Fondation des femmes ne laisse planner aucun doute : qu’il s’agisse d’aides sociales ou de fiscalité, les femmes sont perdantes, les hommes sont gagnants.
Les calculs mis en lumière par Lucile Peytavin et Lucile Quillet prolongent leurs travaux respectifs*. En mars dernier, elles montraient que : Les inégalités femmes hommes coûtent 118 milliards d’euros chaque année à la France.
En présentant à la presse la note qu’elles ont réalisée avec le soutien du Crédit Municipal de Paris, elles ont d’abord rappelé l’âpre bataille pour la déconjugalisation de l’Allocation adulte handicapé (AAH), une allocation qui était calculée en fonction des revenus du conjoint et rendait la personne en situation de handicap très dépendante, ce qui pouvait être grave en cas de violences conjugales. (Lire : La déconjugalisation de l’AAH enfin adoptée)
La plupart des aides sociales reposent sur un principe de solidarité conjugale alors que, notent les chercheuses, les couples modernes ont tendance à contribuer également aux dépenses du ménage. L’aide au logement est par exemple calculée en fonction du revenu total des deux membres du couple. Il arrive que la femme, qui a souvent les plus faibles revenus, perde une aide à laquelle elle pourrait avoir droit parce que son compagnon a des revenus plus confortables. Ce qui la désavantage si elle paie la moitié du loyer…
Autre exemple : le Revenu de Solidarité Active (RSA). Son montant varie en fonction de la composition du foyer. Les femmes gagnant moins que leur conjoint dans 75% des couples, le fait de prendre en compte le revenu plus élevé va mécaniquement avoir pour effet de faire baisser le montant de cette aide.
Le cas des pensions de réversion est particulièrement choquant, surtout dans la fonction publique. « Pour percevoir la pension de réversion de votre défunt, il ne faudra pas vous remettre en couple, sans quoi, vos droits seront purement et simplement supprimés » prévient la note. Lucile Quillet s’indigne par exemple de voir le sort ainsi réservé à des femmes qui ont souvent renoncé à leur activité professionnelle pour suivre un mari militaire ou travaillant dans des ambassades. Ces femmes ont pris soin de leur conjoint, réalisé pour lui les tâches domestiques et familiales, accompagné ses fonctions de représentation… mais elles ne perçoivent de l’argent lié à ce travail que « si elles sont fidèles même après la mort.» Dans le cas contraire, elles devront dépendre d’un autre homme. Dans le privé, la pension de réversion est maintenue mais elle peut être diminuée si les ressources du foyer dépassent 37.500 euros brut.
Dinosaure de la conjugalisation de l’impôt
Côté système fiscal, l’empreinte misogyne est également très forte. « L’homme fait de l’optimisation fiscale au détriment des femmes et de la société » dit la note. Le taux d’imposition des couples est calculé à partir de la somme des revenus des deux partenaires. Celui qui gagne le plus bénéficie d’un taux moindre que s’il était seul et c’est l’inverse pour celui -le plus souvent celle- qui gagne le moins.
Les féministes ont souvent tenté de remettre en question ce quotient conjugal, sans succès (lire : PROJET DE LOI DE FINANCES : LE QUOTIENT CONJUGAL REVIENT (ENCORE) DANS LE DÉBAT).
Mais rien ne change. En moyenne, le revenu des femmes est inférieur de 42% à celui des hommes. « L’Insee a démontré que le taux d’imposition des hommes sous le régime de conjugalité baisse de 13 points en moyenne grâce au revenu bas de leur conjointe, tandis que celui des femmes augmente de 6 points si l’on compare avec ce qu’elles paieraient si elles étaient célibataires » assure la note.
Et ce mode de calcul coûte cher à l’Etat. Les hommes en couple avec une femme qui gagne moins qu’eux paient beaucoup moins d’impôts que s’ils étaient célibataires. Selon diverses études, le coût de ce « cadeau fiscal » fait aux hommes est estimé entre 11 et 28 milliards d’euros.
Ce tableau part d’une hypothèse d’un couple dans lequel la femme gagne 20.000 euros et l’homme 60.000 par an.
Le prélèvement à la source n’a rien changé à l’esprit de la règle qui tend à appauvrir les femmes et les rendre dépendantes des hommes. Par défaut, l’administration fiscale applique le même taux de prélèvement pour les deux partenaires.
Alors, la Fondation des femmes recommande chaudement aux personnes qui gagnent le moins dans le couple de changer leur taux de prélèvement à la source. C’est très simple : il suffit d’aller sur le site des impôts et de décocher la case « taux d’imposition commun ».
La note de Lucile Peytavin et Lucile Quillet indique aussi que la France est un des derniers dinosaures de fiscalité à la papa : « La majorité des pays de l’Union européenne applique une imposition séparée par défaut : Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie, Slovénie ».
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*Lucile Peytavin, est l’autrice de l’essai Le Coût de la virilité, ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes qui calcule les dépenses abyssales induites par les comportements dominateurs et asociaux liés à la virilité. Lucile Quillet, journaliste, autrice de l’essai « Le prix à payer : ce que le couple hétéro coûte aux femmes » (LLL) montre à quel point les hommes s’enrichissent quand les femmes s’appauvrissent avec des carrières hachées, des temps partiels, des salaires moindres, des aides publiques amputées…