Dans le cadre du projet de loi Santé, la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes propose de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG. Ainsi que le délai de réflexion de 7 jours. Débat assuré.
Voici de la matière pour un nouveau débat sur l’IVG. La Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes a présenté jeudi 19 février ses recommandations sur la loi Santé. Elle y préconise, parmi 21 mesures, la suppression du délai de réflexion de sept jours imposé aux femmes qui souhaitent avorter, et celle de la double clause de conscience, spécifique à l’IVG.
Ces deux recommandations figuraient déjà parmi celles émises en novembre 2013 par le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, HCEfh (Voir : Changer le droit et la pratique pour normaliser l’IVG).
« Situation infantilisante »
Pourquoi « supprimer l’obligation du délai de réflexion entre la première et la deuxième consultation pour une IVG » ? Parce que, soulignent Catherine Coutelle et Catherine Quéré, les deux auteures du rapport, « quand une femme souhaite pratiquer une IVG, elle doit le confirmer deux fois, ce qui complique et rallonge leur parcours, et les place dans une situation infantilisante ».
Quant à la « double clause de conscience », qui « persiste au titre d’un compromis accepté en 1975 au sein de la loi Veil », elle n’est pas nécessaire, indiquent les deux députées. Car tous les professionnels de santé disposent d’une clause de conscience générale à laquelle ils peuvent recourir pour les actes médicaux qu’ils sont amenés à pratiquer (article R.4127-47 du Code de la santé publique), à laquelle s’ajoute une clause spécifique pour l’IVG.
Déstigmatiser
Pour Catherine Coutelle et Catherine Quéré, « cette double clause concourt à faire de l’IVG un acte médical à part et contribue à limiter l’accès à un droit fondamental qui, désormais, ne doit connaître aucune entrave pour devenir totalement effectif ».
Supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG, qui fait donc doublon, « ne supprime pas la possibilité des professionnel-le-s de ne pas pratiquer l’acte, mais déstigmatise l’avortement », rappelait pour sa part le HCEfh en 2013.
Mais à l’époque, la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem n’avait pas retenu cette option, estimant qu’elle « risquerait d’engendrer des crispations ». Sa loi pour l’égalité réelle s’était contentée de reprendre une autre préconisation du HCEfh : la suppression de la notion de « détresse ». Non sans crispations, sur ce seul point.
« Provocation » ?
Les parlementaires oseront-ils braver le risque de nouvelles tensions et ajouter ces mesures au projet de loi Santé, dont la discussion en séance doit débuter en avril ? Pas si sûr. « Un amendement de suppression de la clause de conscience, alors que celle-ci demeurerait de toute façon, risquerait d’être très visible, voire d’être vécu comme une provocation », reconnaissait Catherine Coutelle lors des auditions de la Délégation.
« Cette double clause de conscience fait que certains se permettent de faire n’importe quoi dans le domaine de l’interruption volontaire de grossesse ; sa suppression constituerait une réelle avancée » soulignait lors de ces auditions Sophie Gaudu, gynécologue-obstétricienne, cheffe de service à la maternité des Bluets. Tout en admettant qu’il y a en effet un risque à « rouvrir le front de la clause de conscience ». A choisir entre deux priorités, elle plaide pour la vente libre des microprogestatifs.
La minipilule d’abord
Ainsi, cette demande figure également dans les recommandations de la Délégation, qui préconise de confier à la Haute autorité de santé (HAS) une étude « sur la possibilité et la pertinence » de mettre ces microprogestatifs en vente libre dans les pharmacies
« Avec le préservatif, le taux d’échec est de 14 grossesses par an pour 100 femmes. Avec un microprogestatif, il tombe à 2 : c’est tellement mieux que rien, et mieux que le préservatif ! », souligne Sophie Gaudu, en notant que ces minipilules sont « sans danger et très peu chères ».
Dans sa version actuelle, le projet de loi Santé prévoit déjà une série de mesures pour faciliter l’accès à l’IVG : gratuité complète de la procédure, pratique d’IVG instrumentales dans les centres de santé et d’IVG médicamenteuses par les sages femmes, ou encore numéro d’information (Voir : Le plan du gouvernement pour améliorer l’accès à l’IVG).
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Photo : La ministre de la Santé Marisol Touraine et Catherine Coutelle, le 10 février 2015 à l’Assemblée nationale.
