Nouvelle offensive, à l’approche du sommet Rio+20, contre la toute-puissance du PIB. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement a dévoilé l’IWI, un nouvel indicateur de mesure de la croissance « durable ». Mise à jour : un indicateur « insoutenable », selon Jean Gadrey.
Définir l’économie verte, ce sera l’un des grands enjeux de Rio+20,la conférence des Nations Unies sur le développement durable, du 20 au 22 juin. Alors que les négociateurs se sont installés à Rio de Janeiro, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a dévoilé le 17 juin un nouvel indicateur pour mesurer la « croissance verte » : l’IWI, ou Inclusive Wealth Index. Car « en se concentrant sur la croissance économique, le monde ferme les yeux sur la perte rapide et largement irréversible de ses ressources naturelles, qui affectera gravement les générations futures », souligne l’agence onusienne.
Mise à jour : Mardi 19 juin, l’économiste Jean Gadrey, l’un des animateurs du Forum pour d’autres indicateurs de richesse, se déchaîne contre cet IWI, dont il juge les résultats « aberrants » et « fondés sur des choix insoutenables ». Jean Gadrey déplore notamment qu’il ne prenne en compte ni les inégalités, ni les risques écologiques majeurs, dont les émissions de gaz à effet de serre.
L’IWI s’appuie à la fois sur le Produit intérieur brut (PIB) et l’Indice de développement humain (IDH) ; il les dépasse en incluant des données sur la production manufacturée autant que sur le « capital naturel » et le « capital humain ». Avec pour objectif, souligne le PNUE, de « montrer aux gouvernements l’état réel de la richesse de leurs nations et la soutenabilité de leur croissance ».
Ainsi, la Chine a connu entre 1990 et 2008 une croissance de son PIB par habitant de 9,6%. C’est la plus forte hausse parmi les 20 pays que le PNUE a étudiés. Mais son IWI sur cette période, n’a été que de 2,1%. La France a vu son PIB croître de 1,3%, et son IWI de 1,4% – la troisième meilleure performance. L’Arabie Saoudite ou l’Afrique du Sud ont connu une croissance de leur PIB, mais une évolution négative de leur IWI (tableau ci-dessous). Tous les pays, à l’exception du Japon, ont vu leur capital naturel décliner.
Secondaire dans les négociations
Les auteurs de cet indice admettent qu’il est n’est qu’une ébauche. Mais un élément nécessaire au débat. « L’IWI est l’un des modèles possibles de remplacement [du PIB] que les dirigeants du monde doivent prendre en compte comme moyen de mesurer la création de richesse, afin de prétendre à un développement soutenable et à éradiquer la pauvreté », insiste le professeur Anantha Duraiappah, l’un des auteurs du rapport dans lequel l’IWI est développé.
Le président français est apparu sur la même longueur d’ondes, le 8 juin à Paris, en déclarant : « La croissance n’est plus le seul indicateur que nous devrons avoir à l’esprit. Nous avons besoin d’un indicateur de qualité environnementale, d’efficacité des politiques sociales, et d’inégalités »
Mais le directeur général du PNUE Achim Steiner juge que les négociations préliminaires à la conférence de Rio+20 sont restées « bien trop silencieuses sur la question de la mesure du bien-être humain ». Selon Les Echos, les derniers pourparlers, dimanche, « ne semblaient pas faire beaucoup de cas d’un nouvel indicateur du développement incluant cette dimension environnementale. »
Le projet de déclaration finale à Rio+20 ne fait état, pour l’heure, que de bonne volonté. Il y est écrit : « Nous reconnaissons (…) les limites du PIB en tant qu’instrument de mesure du bien-être. Nous sommes d’accord pour développer et renforcer des indicateurs complémentaires au PIB qui intègrent des dimensions économiques, sociales et environnementales de manière équilibrée. »
Pour aller plus loin :
Le rapport (en anglais) du PNUE sur l’IWI
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Comparatif de l’évolution (1990-2008) des performances de 20 pays, en PIB par habitant (colonne de gauche), selon l’Indice de développement humain (milieu) et selon l’IWI par habitant (droite). Source : PNUE.