La loi européenne destinée à harmoniser les définitions, les sanctions et les protections dans la lutte contre les violences misogynes a été amputée de l’infraction de viol.
Le 10 mai dernier, l’Union européenne adhérait à la convention d’Istanbul adoptée en 2011 pour lutter contre les violences faites aux femmes. (Lire : Convention d’Istanbul : l’adhésion de l’UE approuvée) Etape suivante : une loi européenne pour harmoniser les définitions, les sanctions et les moyens de lutter contre ce fléau est discutée dans les instances européennes en ce mois de juillet.
Rappel : en Europe, sept femmes meurent chaque jour sous les coups de leur conjoint ou d’un membre de leur famille, selon les Nations unies. Et 147 féminicides ont eu lieu en France en 2022, selon NousToutes.
Le 28 juin, la députée Européenne, Nathalie Colin-Oesterlé, rapporteure du texte pour le Parti populaire européen (PPE, droite) se réjouissait du vote, en commission parlementaire et par le Conseil européen, de cette première loi européenne.
Les législations des Etats membres sont actuellement trop « hétérogènes », disait-elle. Et il faut définir « un socle de définitions communes ». La proposition de la Commission européenne dresse la liste des actes pour lesquels il convient d’harmoniser les définitions et les sanctions : le viol, le cyberharcèlement ou encore les mutilations génitales féminines. Le Parlement européen ajoute les mariages et stérilisations forcés, ou encore le revenge porn, la diffusion d’images à caractère sexuel sans consentement.
La directive européenne avance des propositions concrètes pour faciliter le parcours des victimes : bénéficier d’une évaluation personnalisée, de mesures de protection des victimes (ordonnances de protection et mesures d’éloignement imposant notamment à l’auteur des violences de quitter le domicile conjugal.) Chaque Etat membre devra prévoir un hébergement pour une famille victime par 10.000 habitants, une assistance juridique et sociale gratuite, une assistance téléphonique disponible 24h/24 et 7J/7 dans toutes les langues de l’UE ou encore l’aménagement du contrat de travail de la victime. Une formation spécifique est prévue pour les professionnels devant aider ces victimes comme les policiers, les juges ou les médecins…
Mais le 13 juillet, changement de ton de la part de la députée Européenne : « La France refuse d’inclure le viol dans la loi européenne luttant contre les violences faites aux femmes« écrivait-elle dans un communiqué. La position du Conseil de l’Europe a été beaucoup moins ambitieuse que celles de la Commission et du Parlement, puisqu’il a décidé d’exclure le viol du champ d’application de cette directive.
Elle rappelle quelques chiffres : « Dans l’Union européenne, 1 femme sur 20 a été victime de viol. Rien qu’en France, au moins 10 femmes sont victimes chaque heure d’un viol ou d’une tentative de viol. »
« Alors que la Commission européenne avait proposé de donner une définition européenne du viol afin que ce qui est considéré comme un viol dans un État membre de l’UE le soit également dans les autres, la France fait partie des États membres qui ont décidé du retrait de cette partie du texte contrairement à la Belgique, l’Italie, la Grèce et le Luxembourg. Les autorités françaises avancent un « défaut de base juridique ». Selon elles, le viol ne serait pas une « exploitation sexuelle des femmes et des enfants », telle que mentionné dans l’article 83 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). En conséquence, l’Union européenne ne pourrait ni donner une définition commune du viol, ni créer un socle de sanctions harmonisées. »
Elle rappelle aussi que ces termes sont retenus dans la Convention d’Istanbul ratifiée par la France et ce refus constitue un revirement incompréhensible. Elle parle aussi de la « grande cause des quinquennats » du président de la République et déplore « au niveau européen, nous sommes loin de la promesse de progrès affichée lors de son discours devant les eurodéputés au lancement de la présidence française de l’UE ».
« Quel signal le gouvernement français envoie-t-il ici en excluant le viol d’un texte visant à lutter contre les violences faites aux femmes ?» demande-t-elle.
Plusieurs associations ont réagi. L’International Planned Parenthood Federation (IPPF) « regrette profondément que l’approche générale du Conseil révèle une décision des États membres de supprimer du projet de loi l’obligation pour tous les pays de l’UE de criminaliser le viol en utilisant une définition forte et harmonisée basée sur l’absence de consentement de la victime* ».
La Fédération Nationale Solidarité Femmes regrette que « cette directive apporte peu d’avancées et au contraire ! … un texte sans ambition, régressif puisque le viol n’y est plus mentionné, les questions d’autorité parentale si violences conjugales et les services spécialisées à la marge. Déception. L’UE peut mieux faire! »