L’Autorité des marchés financiers (AMF) va désormais surveiller le respect des règles de parité dans les sociétés cotées. Pour la performance plus que pour la justice ?
« L’Autorité des marchés financiers est chargée d’analyser, de surveiller et, en lien avec le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, de promouvoir et de soutenir l’équilibre entre les femmes et les hommes dans les conseils et les directoires des sociétés remplissant les conditions de seuil… » indique une loi du 30 avril 2025 prévue pour assurer plus de transparence dans la gouvernance des grandes entreprises.
Il s’agit d’une transposition de la directive européenne « Women on Boards » du 20 juin 2022, qui veut instaurer une représentation plus équilibrée des sexes au sein des instances de direction (non exécutives). Cette directive impose un objectif de 40 % de membres de chaque sexe parmi les administrateurs non exécutifs, et 33 % sur l’ensemble des administrateurs dans les entreprises cotées dépassant certains seuils.
Principe démocratique ou recherche de performance ?
« Women on Boards » a été adoptée parce que, précise la directive, « l’égalité constitue une valeur fondatrice de l’Union et est commune aux États membres dans une société caractérisée par l’égalité entre les femmes et les hommes ».
Mais en France, le groupe Ethic & Board, notamment, préfère souligner la « performance » permise par la parité plutôt que le principe démocratique d’égalité entre les femmes et les hommes. Selon cette organisation spécialiste de la gouvernance : le choix de la gendarme de la bourse « traduit la volonté claire du législateur d’inscrire la parité comme un enjeu de gouvernance, mais aussi de performance économique. » Ethic & Board s’appuie sur une déclaration de Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l’AMF depuis 2022 (elle est la première femme à ce poste) qui a affirmé : « compte tenu de son impact sur la performance des entreprises, la mixité des instances dirigeantes est un sujet fondamental pour les investisseurs et les actionnaires ».
Faut-il adopter la parité pour des questions de justice ou sous condition de performance ? La question fait toujours débat et l’argument n’est pas forcément efficace. (Lire : Mixité et performance : ça se confirme mais…)
Limites
La nouvelle compétence de la gendarme de la bourse va-t-elle changer sérieusement la gouvernance des entreprises en France. Pas sûr. D’abord, la directive européenne est plus limitée que la loi Copé-Zimmermann de 2011, qui s’applique à toutes les sociétés cotées. Seules les entreprises qui emploient au moins 250 salariés et présentent un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan supérieur à 43 millions, sont concernées par la surveillance de l’AFM.
Grâce à la Loi Copé-Zimmermann, la France est déjà championne de la parité dans les instance dirigeantes des grandes entreprises côtées. Selon le Baromètre IFA Ethics & Boards de la mixité des instances dirigeantes 2025, les femmes représentent 47,7 % des administrateurs du CAC 40 et 46,6 % de ceux du SBF 120.
Reste encore à obtenir la mixité dans les instances de décision que sont les comités exécutifs et de direction. La loi Rixain adoptée en 2021 prévoit des quotas progressifs de féminisation des instances dirigeantes dans les entreprises d’au moins 1.000 salariés : 30 % minimum de personnes d’un même sexe au 1er mars 2026, et 40 % à partir du 1er mars 2030. Mais la directive européenne ne se penche pas encore sur les exécutifs…
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1 Commentaire
Bonjour,
Je suis la présidente de l’AMF.
Merci de cet article très intéressant !
Si vous êtes intéressés par l’importance du choix de l’AMF pour contrôler cette directive, vous pourriez examiner la question suivante : qui contrôle la loi Coppé-Zimmerman et la loi Rixain ? Avez-vous déjà vu une sanction ?
Ma conviction est qu’un code de la route sans gendarme est très utile, mais…
Or, je dirige un petit peloton de gendarmerie qui a une certaine connaissance du terrain qui est le sien (les entreprises cotées). Je vous recommande la lecture de notre dernier rapport sur le gouvernement d’entreprise, qui a volontairement consacré un chapitre aux lois françaises sur la parité (alors seules en vigueur). Premier acte: la pédagogie et la communication.
Quand au lien avec la performance, je considère qu’il est indispensable pour renforcer l’impératif sociétal – et pas s’y substituer – et y « intéresser » davantage de parties concernées, dont les investisseurs et les actionnaires. Sinon, malheureusement, on pourra continuer longtemps à se poser la question : « parité dans les instances dirigeantes ? Combien de divisions ?». Comme sur la finance durable, cet angle d’attaque est l’une des manières de faire vivre le sujet et de bousculer l’indifférence voire l’hostilité, y compris lorsque je m’exprime publiquement dans certains pays – et actuellement non des moindres – où la conviction sur le fond est très moyenne. Et c’est avec plaisir que je m’exprime régulièrement publiquement sur l’intérêt pour les investisseurs et les actionnaires (« If we care about sustainability , it’s not because we are « woke », it’s because we care about shareholders and investors’ interests »). Mais ce n’est que ma modeste approche d’un sujet dont je vis la réalité de l’intérieur depuis 1993. Si vous voulez un petit bilan, je vous recommande en toute immodestie de jeter un œil à l’article que je viens de publier dans la Revue d’économie financière consacrée aux Femmes et à la Finance : « Money counts / pourquoi les femmes devraient s’intéresser davantage à la finance et la finance aux femmes ». La présentation de cet ouvrage aura lieu à l’AMF le 2 juin.