Un rapport du Sénat, commenté pour ses critiques du gouvernement, souligne que la lutte contre ces violences repose plus sur des associations insuffisamment financées par l’Etat que sur les services publics.
Budget « contraint », des « tours de passe-passe » du gouvernement, trop de communication… un rapport de deux sénateurs, Eric Bocquet (Parti communiste) et Arnaud Bazin (Les Républicains) dévoilé le 27 août, à quelques jours de la date anniversaire du Grenelle, estime que le gouvernement consacre, à la lutte contre les violences faites aux femmes, moins d’argent que ce qu’il annonce. Et comme avant, l’action contre les violences repose sur des associations épuisées qui peinent à se financer avec des fonds publics et des dons.
Le gouvernement avait annoncé une enveloppe de 1,116 milliards d’euros pour la politique d’égalité entre femmes et hommes. Mais, écrivent les sénateurs, cette somme correspond à la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées. Pour 2020, les paiements réellement effectués ne s’élèveraient qu’à 557,8 millions d’euros. Concernant la lutte contre les violences faites aux femmes, 360 millions d’euros y seront consacrés cette année versus 342 millions d’euros en 2019. Ce n’est pas une augmentation spectaculaire. Sur le milliard d’euros annoncé, 834,5 millions d’euros sont destinés à financer « des programmes déployés à l’étranger » dit le rapport.
Si, depuis 2010, les crédits augmentent légèrement, ces augmentations masquent « des sous-exécutions importantes jusqu’en 2018, et des opérations discrètes de redéploiements internes, permettant de dégager des crédits, dont la communication gouvernementale laisse souvent à penser, à tort, qu’il s’agit de crédits nouveaux » déplorent les sénateurs.
Le rapport reproche au gouvernement « la quasi-absence de mesures nouvelles : les intervenants sociaux en commissariat et gendarmeries, les psychologues, ou encore les correspondants locaux de lutte contre les violences intrafamiliales existaient déjà. » Concernant la « contribution des programmes ‘gendarmerie’ et ‘police’, la valorisation financière des personnels est quelque peu sujette à caution, d’autant qu’il s’agit de dispositifs comptabilisés dans la politique de lutte contre les violences de façon un peu extensive » disent les rapporteurs. Autre sujet à caution : « presque la moitié » des dépenses de l’enveloppe pour le territoire concerne l’Education nationale. Sont comptés : les salaires des enseignants qui effectuent, « la sensibilisation à l’égalité entre les sexes et de la lutte contre les discriminations sexistes » Au-delà des « tours de passe-passe » dénoncés, ce budget, même augmenté est loin des besoins. « Ces dépenses sont à mettre en regard avec les répercussions économiques de ces violences et leurs incidences sur les enfants qui ont été estimées, sur l’année 2012, à 3,6 milliards d’euros, en hypothèse basse selon une étude réalisée par PSYTEL en 2014. » (lire : 433 DÉCÈS, 3,6 MDS € : LES CHIFFRES DES VIOLENCES CONJUGALES)
Faute de budget conséquent de l’Etat, c’est sur le travail acharné des associations portées par beaucoup de bénévoles, soutenues inégalement par des collectivités locales et un peu par la générosité du public, que repose la lutte contre les violences faites aux femmes.
Ce sont d’ailleurs ces associations, avec certaines collectivités locales, qui expérimentent des solutions que les gouvernements mettent du temps à généraliser. Le rapport en cite deux : « L’observatoire des violences de Seine-Saint-Denis, présidé par une figure militante, Ernestine Ronai, fut, par exemple, préfigurateur de nombreux dispositifs, comme le Téléphone Grave Danger. Il en est de même avec la communauté urbaine d’Arras, avec la mise en place, de longue date, du premier centre de prise en charge des auteurs de violence, que le Gouvernement veut généraliser, dans le cadre du Grenelle. »
Les dons des particuliers soutiennent peu les associations. « Ce faible recours aux dons et au mécénat s’explique par le manque de visibilité de la cause et un personnel non formé à cette recherche de financement dans les associations, souvent des petites structures et pourtant des piliers de la politique de lutte contre les violences. » dit le rapport.
Les sénateurs soulignent cependant la réactivité du gouvernement pendant la période de confinement avec une forte communication sur le 3919, un numéro SMS, des points d’accueil dans les pharmacies et les supermarchés… mais ils regrettent que les associations n’aient pas été davantage soutenues. La Fondation des femmes, « a réalisé une collecte record : plus de 2,7 millions d’euros (en dons numéraires et matériels) dont environ 500 000 euros de dons de particuliers» Mais le rapport déplore la nécessité de faire appel à la générosité du public. « En tout état de cause, la générosité publique ne peut et ne doit pas se substituer au financement public, s’agissant notamment de dispositifs qui relèvent de services publics, comme l’hébergement par exemple. »
S’ils saluent « l’ouverture de 4 millions d’euros dans le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 », ils tiennent à affirmer, à plusieurs reprises le poids des associations dans la lutte. « Véritables bras armé de la lutte », elles sont fragilisées par l’afflux de demandes lié à la communication gouvernementale pendant la crise sanitaire notamment et « une complexité administrative, due à la multiplicité de financements, et notamment les réponses aux appels à projet. »
Les sénateurs évoquent aussi les lacunes dans l’application de la loi de lutte contre le système prostitutionnel adoptée en avril 2016 : « un manque de volonté politique mais des évolutions positives sous l’impulsion d’associations et de réseaux d’acteurs locaux » notent les auteurs du rapport.
Leurs recommandations tiennent en deux axes : « Rendre les financements plus lisibles et à la hauteur des enjeux » et « Sortir du conjoncturel pour du structurel : doter cette politique publique d’une ‘vraie’ administration et renforcer le maillage territorial »
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