Des shorts 6 cm plus courts pour les filles que pour les garçons : l’offre de vêtements pour les moins de 10 ans des grandes enseignes internationales joue le confort pour les garçons, la sexualisation pour les filles.
Dès le plus jeune âge, la mode bombarde les filles et les garçons de stéréotypes de sexes auxquels ils vont devoir se conformer. C’est ce que démontre une étude dirigée par la data journaliste Marie-Louise Timcke, et publiée dans le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. 20.000 vêtements pour enfants de moins de 10 ans, vendus dans de grandes enseignes comme H&M, Zalando ou About You ont été analysés. Verdict : « La mode enfantine consolide les représentations de genre » affirme Marie-Louise Timcke sur son compte Twitter.
Certes, il y a la couleur mais ce n’est pas le pire. Le rose est de rigueur pour les filles et le bleu pour les garçons. « Près d’une chemise destinée aux filles sur deux est rose » dit par exemple l’étude. En revanche, chez les garçons, si le bleu domine, le choix de couleur est plus large.
Mais surtout, cette mode les bombarde d’injonctions. Injonctions aux rôles sociaux qu’elles et ils doivent tenir : les imprimés et termes utilisés définissent des horizons très différents. Pour les filles, les termes les plus utilisés sont « love », « girl », « sunshine », « smile », « dream », « dreamer » (soit : amour, fille, soleil, sourire, rêve, rêveuse), la beauté, la passivité, en ligne de mire. Et pour les garçons, l’univers est tout autre, davantage tourné vers l’action, l’aventure ou le sport, avec pour l’été, beaucoup de référence au surf « aloha », « wave », « explore », « fast », « coast », ou « crew » (bonjour en Hawaïen, vague, explorer, rapide, cote, équipe). Et il est très difficile, sinon impossible, de trouver dans les rayons filles des imprimés comme des chemises de nuit ornées de dinosaures, des jupes avec des ballons de football ou encore des shorts cargo ornés de licornes. Ces imprimés sont réservés aux garçons.
Injonction aussi à être sexy pour les filles tandis que les marques ont le souci du confort pour les garçons. Pour réaliser l’étude, les enquêtrices ont mesuré la longueur des vêtements. « Nous avons empilé et comparé des milliers de shorts pour enfants provenant de chez H&M, Zalando et About You. La différence de longueur est nette : en moyenne, un short pour filles de 30 cm de large est six cm plus court qu’un modèle pour garçons. Et ce, malgré le fait que le corps des enfants ne diffère guère à cet âge. Le fait que les pantalons des filles soient plus serrés et plus courts est simplement le résultat de la mode et de la socialisation. »
« Dans la logique de ces marchés, les filles sont avant tout des petites femmes; pour elles, les vêtements doivent plaire. Et les garçons sont censés être tout excepté des ‘filles” » conclut Marie-Louise Timcke.
Et bien sûr les enseignes de mode rejettent toute responsabilité. Elles prétendent répondre à une demande des client.es… Sans imaginer que cette demande a peut-être été conditionnée par l’abondance de l’offre de produits stéréotypés.
Et ce n’est pas anodin. Ces stratégies marketing sont la première étape d’un long parcours durant lequel des marques de mode, des médias, des éducateurs, des « experts » disent implicitement aux filles puis aux femmes, aux garçons puis aux hommes ce qui est attendu d’eux en fonction de leur sexe. Passivité, beauté et altruisme pour elles, action, aventure, conquête pour eux.
Il y a quelques années un body de la marque Petit Bateau rose était imprimé des mentions : « jolie têtue, rigolote, douce, gourmande, coquette, amoureuse, mignonne, élégante, belle ». Et pour le body bleu : « courageux, fort, fier, robuste, vaillant, rusé, habile, déterminé, espiègle, cool ». Les enfants vont se conformer aux attentes ainsi exprimées sur ce body, mais aussi dans tous les recoins de la société, et recevront des injonctions comparables toute leur vie. Et au final quelles sont les qualités qui propulsent vers les postes de pouvoir ? Certainement pas celles attendues des femmes…
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