
Ce serait traiter « les victimes de viol comme des coupables » dénoncent les opposant.e.s à cette mesure.
« Demander aux victimes de viol de remettre leurs téléphones portables est un autre procès » écrit Suzanne Moore, éditorialiste du quotidien anglais The Guardian. Sa chronique fait écho à une polémique sur un « formulaire de consentement » mis en place par la police britannique. Ce formulaire demande aux victimes de viol d’autoriser la police à accéder aux données personnelles contenues dans leurs appareils électroniques. L’accès des policiers aux données pouvant « impliquer de consulter les messages, les photographies, les emails et les comptes sur les réseaux sociaux ». Si elles refusent, la procédure pourrait être abandonnée. Cette disposition aurait été décidée après plusieurs procès dans lesquels des preuves contenues dans des SMS et révélées de manière tardive, auraient permis d’innocenter des suspects.
Mais les associations de défense des droits des femmes craignent que cette mesure ne dissuade encore plus les victimes de viol de porter plainte. The Independent indique qu’en Angleterre et au pays de Galles, seulement 1,7 % des plaintes pour viol ont fait l’objet de poursuites en 2018 et 40 % se concluent par des non-lieux pour « difficultés de preuves ». 57.600 viols ont été enregistrés par la police en 2018 mais ils ne représentent qu’une petite partie du chiffre réel, car de nombreuses victimes ne portent pas plainte.
Les réactions indignées dépassent les associations féministes qui considèrent avec le groupe Big Brother Watch, que ce procédé est une sorte de « mise à nu numérique », revenant à « traiter les victimes de viols comme des suspects ».
Sur Twitter le travailliste Jeremy Corbyn, leader de l’opposition, repris par la presse britannique, a jugé que cette procédure risquait de « laisser davantage de violeurs échapper aux poursuites, alors que les viols et agressions sexuelles sont déjà sous-déclarées ».
Harriet Wistrich, la directrice du Centre pour la justice des femmes (CWJ), citée elle aussi par plusieurs journaux britanniques s’insurge : « bien que les plaignantes comprennent la nécessité d’examiner le matériel pertinent -téléphones et autres-, il est ‘disproportionné’ de vouloir télécharger leurs vies entières » . Elle craint, bien sûr que cette mesure ne décourage encore les femmes de porter plainte pour viol : « Apparemment, nous voici de retour à l’époque sinistre où les victimes de viol étaient traitées comme des suspectes » dit-elle.
Une indignation que partage Suzanne Moore : « Malgré le nombre croissant de femmes qui se sont exprimées, malgré le mouvement #MeToo et les discussions sur le consentement, la triste réalité est que le système de justice laisse tomber les femmes. Alors que davantage de viols sont signalés, le nombre de présumés violeurs accusés par le parquet est le plus faible des 10 dernières années » écrit-elle dans The Guardian. Elle explique que les femmes peuvent refuser de communiquer leurs données pour bien des raisons qui n’ont rien à voir avec le viol qu’elles ont subi. Et beaucoup de données comme des dossiers médicaux, des dossiers scolaires, des relations passées peuvent être utilisées pour mettre en doute la crédibilité d’une femme. A l’inverse, elle note que les hommes accusés de viol sont souvent relaxés parce que la justice considère simplement qu’ils n’ont pas besoin de violer pour avoir des relations sexuelles. Bref, cette nouvelle disposition renforcerait la « culture du viol » , « une culture dans laquelle le viol a peu de conséquences pour le violeur » résume-t-elle.
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