Certains industriels du porno font mine de s’autosaborder en France pour échapper à la loi interdisant l’accès des mineurs aux sites pornos. Ils prônent « la liberté ». Pas sûr qu’ils mettent l’opinion de leur côté.
A partir du 6 juin, tous les sites pornos diffusés en France doivent mettre en place des systèmes permettant d’assurer que leurs utilisateurs ne sont pas des mineur.es. Pour protester contre cette mesure le groupe Aylo, (propriétaire des sites pornos Pornhub, RedTube ou YouPorn), a lancé un grotesque coup de communication victimaire : il rend inaccessibles ses plateformes depuis le territoire français et affiche en page d’accueil le tableau la Liberté guidant le peuple, du peintre Eugène Delacroix, pour expliquer sa décision avec cette accroche publicitaire : « La liberté n’a pas de bouton off »
Autosabordage victimaire…
Prôner la liberté pour défendre la violence sexiste et sexuelle est un grand classique que la riche industrie du porno manie avec d’énormes moyens. Les propriétaires des sites s’appuyant sur de puissants cabinets d’avocats, communicants et lobbyistes. Des moyens dont ne disposent pas les associations féministes qui veulent empêcher que se propage l’idée d’associer la sexualité à la violence masculine.
Lire : Comment l’industrie du porno écrase toute tentative de régulation
Pas sûr que cette nouvelle manœuvre pour se victimiser en s’autosabordant produise les effets attendus par les cadors de la communication qui travaillent pour le porno. Même si une représentante du groupe porno force sur les trémolos : « Nous avons pris la décision difficile de suspendre l’accès à nos sites en France dès demain après-midi et d’utiliser nos plateformes pour nous adresser directement au public français », aurait-elle déclaré lors d’une conférence de presse en ligne. La presse n’a pas repris l’argument de la liberté à son compte. ( Philosophie magazine se moque en titrant : « La liberté guidant Popol »)
… qui permet aux féministes de s’exprimer
Ce coup de com de l’industrie pornographique a été l’occasion pour les féministes de réexpliquer pourquoi il faut protéger les mineurs de l’accès à ces sites.
Aurore Bergé, ministre en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes, s’est réjouie sur son compte X : «Protéger les mineurs, c’est notre engagement, notre responsabilité. PornHub, YouPorn et RedTube refusent de se conformer à notre cadre légal et décident de partir. Tant mieux ! Il y aura moins de contenus violents, dégradants, humiliants accessibles aux mineurs en France. Au revoir.»
Des contenus qui conduisent les plus jeunes à considérer que la sexualité est faite de violences masculines et d’humiliations acceptées voire désirées par les femmes. Osez le féminisme ! rappelle que « Durant l’enfance et l’adolescence, le cerveau est en pleine construction. Ainsi, l’exposition précoce à des contenus sexuels violents modifie durablement les repères affectifs, émotionnels, empathiques. Plus l’exposition est prématurée, plus la dépendance est profonde et durable. »
Et si « depuis plus de quatre ans, l’industrie pornographique multiplie les recours dilatoires contre une loi aux visées pourtant claires : empêcher les enfants d’être exposés à des contenus violents, sexistes, racistes, dégradants et souvent illégaux… » C’est parce que « Les mineur·es sont une cible stratégique pour l’industrie, car un enfant accro à la pornographie devient un adulte captif. »
Dans l’émission C dans l’air sur France5 le 4 juin, la sénatrice Laurence Rossignol a rappelé que les mineurs constituent 12 % des consommateurs de sites pornos. Ils y apprennent le contraire de ce que l’éducation à la sexualité veut enseigner comme le respect ou le consentement.
De la force d’inertie au coup de com
Les féministes ont eu beaucoup de mal à convaincre les autorités de prendre des mesures de protection des mineur.es. mais elles ont fini par y arriver. Après s’être un peu fait tirer l’oreille, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), suite à la promulgation de la loi pour sécuriser l’espace numérique (Sren) en mai 2024, a publié un référentiel permettant d’apprécier les outils mis en place pour vérifier l’âge des utilisateurs. Et le gendarme de la communication a désormais le pouvoir de bloquer les sites qui ne respecteraient pas leurs obligations.
Jusque-là, la puissante communication des sites pornos a entravait la mise en place de ce contrôle en s’appuyant sur la force d’inertie. Elle attendait que les pouvoirs publics prennent en charge les outils de contrôle de l’âge de leurs visiteurs. Sur France5, Laurence Rossignol s’insurge et fait un parallèle : c’est un peu comme si des restaurants soumis à des règles d’hygiène demandaient qu’on leur fournisse les produits pour éviter les souris.
De la force d’inertie à une communication brandissant la liberté, ils osent tout !
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