Isabelle Méjean a reçu « le Prix du meilleur jeune économiste ». Une femme, comme l’an dernier, mais avec un prix d’homme.
Le 24 mai, Le Monde annonçait le nom de la lauréate du « prix du jeune économiste 2020 » décerné par le quotidien de référence et le Cercle des économistes. Isabelle Méjean, Docteure en économie de l’université Paris-I, professeure à l’Ecole polytechnique, étudie les effets de la mondialisation des échanges. Une mondialisation de l’activité économique dont la crise du coronavirus a révélé la fragilité. Elle en tire des leçons très intéressantes sur les limites à l’idée de relocaliser le production et la nécessité d’imposer des normes environnementales dans cette interview.
Le Monde précise que, parmi les 50 candidatures : « on dénombrait seulement 13 femmes, mais le lauréat, comme l’an dernier, est une lauréate, Isabelle Méjean ».
Peu de postulantes alors que les études d’économie sont plutôt mixtes, ce n’est pas surprenant. Les femmes ont toujours plus de scrupules à se porter candidates dans des cercles qui s’affichent masculin. A force de recevoir des messages subliminaux indiquant que certains postes ou prix ne leur sont pas destinés, elles ont développé un complexe d’imposture. Nombre de chasseurs de tête indiquent par exemple que, lorsqu’ils appellent un homme, celui-ci prend rendez-vous illico tandis qu’une femme se demande elle a le niveau… Et elles ne posent leur candidature pour des postes ou prix prestigieux que lorsqu’elles y sont poussées par des mentors ou /et sur-qualifiées.
Nommer le « prix du meilleur économiste » au masculin fait partie de ces messages subliminaux. Comme le dit la fondatrice et directrice du réseau Jump, Isabella Lanarduzzi : « Et si on décidait d’être plus inclusif de l’autre moitié du monde en modifiant le nom du “Prix du meilleur économiste” avec par exemple “Prix de l’économiste de l’année”. Ce n’est pourtant pas compliqué » suggère-t-elle avant d’adresser ses félicitations à la lauréate.
Pas compliqué ? Les résistances à l’inclusion des femmes dans les lieux de pouvoir sont tenaces. Un collectif « Droits humains pour tou-te-s » sort un ouvrage en librairie ce mois-ci. Il milite pour que la France remplace « droits de l’homme » par « droits humains » depuis des années (lire : Droits de l’Homme, pas droits humains : histoire d’une résistance française). Un de ses arguments : « Il ne viendrait à l’idée de personne de parler des droits de la femme en pensant parler de l’humanité toute entière, les hommes compris. Non le masculin n’est pas neutre, non l’homme n’est pas la référence universelle. »