Pour désengorger les cours d’assises et faire des économies, le projet du ministre de la Justice envisage de faire juger le crime de viol par des cours criminelles.
Éric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, a présenté mercredi 14 avril en Conseil des ministres son projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire. » De la quarantaine d’articles de ce projet de loi, beaucoup ont été abondamment commentés comme les procès filmés « pour un motif d’intérêt public » ou encore les enquêtes préliminaires raccourcies. La généralisation des cours criminelles composées de cinq magistrats professionnels, sans jury, aujourd’hui expérimentées dans 15 départements a fait dire à de nombreux avocats pénalistes que le garde des Sceaux voulait « détruire la justice populaire ».
Ces cours criminelles, mises en place pour désengorger les cours d’assises, devraient juger des crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion dont le garde des Sceaux dit qu’il s’agit des « crimes les moins graves ». Et ces crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion sont principalement des viols ! Sur BFMTV le 14 avril Eric Dupond-Moretti l’affirmait sans tiquer : «Les cours d’assises sont maintenues pour les faits les plus graves ».
Aujourd’hui, le droit qualifie de « crimes » les infractions les plus graves (les infractions moins graves étant les délits puis contraventions). Ces crimes sont jugés par des cours d’assises composées de trois magistrats, et de Français.es tiré.es au sort. Avec cette réforme, les viols échapperaient aux cours d’assises.
Julia Courvoisier, avocate au barreau de Paris rappelle dans une tribune à lire dans Actu-juridique le combat pour que le viol soit jugé en cour d’assises et non devant un tribunal correctionnel. . Une évolution pas si ancienne : « Elle est si récente, que nombre d’entre nous en ont été les témoins. Celle qui l’incarna, Gisèle Halimi, immense avocate, ne nous a quittés que l’année dernière, après avoir lutté durant toute sa vie pour que les viols, dont les victimes sont majoritairement des femmes, soient considérés comme ce qu’ils sont : une mort intérieure. Une ignominie intime. Un saccage de vie. La victoire fut remportée en 1975, au procès d’Aix en Provence. C’est là que Maître Gisèle Halimi s’est battue et a obtenu que cet acte de pénétration forcée soit traité de la même façon qu’un meurtre et soit jugé par une cour d’assises, composée de français tirés au sort. Cette affaire judiciaire retentissante a donné naissance à la loi du 23 décembre 1980 qui a modifié la définition du viol. » rappelle-t-elle. Et l’avocate s’insurge : « Serions-nous alors en train de faire un bond en arrière de 40 ans ? » Et ceci pour des raisons d’économies…
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