La loi Schiappa va être examinée à l’Assemblée Nationale. Longuement débattue en Commission des lois, elle est l’objet d’une fronde contre son article 2.
Le projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles a été longuement et parfois sèchement débattu mercredi 9 mai en Commission des lois avant son examen à l’Assemblée Nationale à partir de ce lundi. La députée centriste Sophie Auconie a même fini par hausser le ton : «Ecoutez-vous le 25 novembre, lorsque vous avez animé la table ronde à l’Elysée (à l’occasion du lancement de la grande Cause nationale par le président de la République ‘ndlr’.) a-t-elle lancé à la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ecoutez vos propos, écoutez la façon dont vous avez porté ces sujets-là, et relisez ce que vous nous proposez». Le projet discuté en commission des lois s’est éloigné, sur certains points, de celui qui avait été annoncé dès octobre dernier.
Voir : Crimes sexuels sur mineur·e·s : le gouvernement va légiférer
Si l’allongement à 30 ans après la majorité des délais de prescription pour les crimes sexuels sur mineurs a été approuvé majoritairement, deux sujets font débat.
D’abord la disparition de la « présomption irréfragable d’absence de consentement » d’acte sexuel pour les enfants. Cette disposition devait répondre notamment à deux affaires judiciaires ayant fait scandale : dans l’une, le parquet avait décidé de poursuivre pour « atteinte sexuelle », et non pour viol, un homme de 28 ans qui avait eu des relations sexuelles avec une fille de 11 ans. Dans l’autre, le jury d’une cour d’Assises avait acquitté un homme jugé pour le viol d’une enfant de 11 ans, considérant qu’il n’y avait pas eu « menace, contrainte, surprise ou violence ».
L’idée était de légiférer, pour qu’un·e enfant ne puisse plus, en aucune façon, être considéré·e comme consentant·e. La loi devait fixer un âge minimal en dessous duquel le viol était constitué de fait. Le président de la République l’avait évoqué dans de son discours du 25 novembre, il préconisait de fixer cet âge à 15 ans.
Entre temps, le Conseil d’Etat s’était prononcé : cette disposition posait à ses yeux, des « difficultés constitutionnelles » paraissant «particulièrement sérieuses ». Une sorte d’opposition à la notion de présomption d’innocence.
L’ambition de la loi s’est émoussée. La première version du texte : «constituera un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur un mineur de quinze ans par un majeur, lorsque celui-ci connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime» a donc disparu. Le projet de loi disposait que « la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de l’abus de l’ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire »… Trop sujet à interprétations diverses. La Commission des lois a finalement reformulé le texte pour indiquer que la contrainte morale ou la surprise « sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ».
Marlène Schiappa défend ce nouveau texte en soulignant qu’il évite le risque d’inconstitutionnalité. Mais celle qui l’a précédée au ministère en charge des droits des femmes, Laurence Rossignol, estime qu’il fallait éviter autre chose : « les débats sur le consentement et le discernement d’un enfant » qui peuvent jeter sur la victime un soupçon de culpabilité.
Délit aggravé d’atteinte sexuelle avec pénétration
L’autre point qui fait l’objet d’une pétition et d’un appel à manifestation est l’article 2 de cette loi. Cet article prévoit un «nouveau délit aggravé d’atteinte sexuelle avec pénétration» L’infraction définie à l’article 2 de la Loi Schiappa s’ajoute à l’article 227-25 du Code pénal qui prévoit « Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. » Le nouveau texte ajoute « L’infraction définie à l’article 227-25 est également punie de 10 ans d’emprisonnement et de 150000 euros d’amende lorsque le majeur commet un acte de pénétration sexuelle sur la personne du mineur de 15 ans. »
Pour la Secrétaire d’Etat, cette nouvelle disposition qui vise à « renforcer la répression des infractions sexuelles sur mineurs » doit permettre une plus grande efficacité et davantage de condamnations.
Une pétition lancée par le Groupe F intitulée #LeViolEstUnCrime : retirez l’article 2 ne l’entend pas de cette oreille. Pour les signataires, cet article revient à « correctionnaliser le viol sur mineur ». « Lorsqu’un crime est requalifié en agression sexuelle ou atteinte sexuelle et donc jugé comme un délit, cela minimise de fait, pour les victimes comme pour les agresseurs, la gravité des faits. »
Dès le jeudi 10 mai, le magistrat Jean-Pierre Rosenczveig spécialisé dans les droits des enfants avait lancé l’appel à pétitionner sur twitter « De la part d’un adulte pénétrer sexuellement un enfant est un crime ». Point-barre… »
250 personnalités ont signé cette pétition depuis l’examen du texte en commission des Lois. Parmi elles, des militant.es comme Caroline de Haas, une des fondatrices du Groule F, des médecins comme la psychiatre Muriel Salmona, des juristes, ou encore l’actrice Karin Viard ou l’ancienne ministre Yvette Roudy …
Les pétitionnaires ont prévu une manifestation devant l’Assemblée Nationale mardi, pendant l’examen du texte.
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Ajout le lundi 14 mai à 15h : Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a appelé les parlementaires à améliorer le texte et attire leur attention sur trois points :
Par conséquent, le HCE renouvelle sa recommandation et maintient qu’il est conforme à l’impératif de protection des enfants et à nos principes fondamentaux que la loi reconnaisse :
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