Elle renonce à son mandat de maire de Marseille. Beaucoup crient à l’arnaque… Son discours sur le pouvoir exercé par un collectif n’est pas entendu.
« Nous défendons une nouvelle manière de faire de la politique, de gouverner, collective et partagée, où les femmes comme les hommes peuvent assumer tous les rôles et toutes les fonctions selon les besoins et les enjeux du moment. Où les égos comptent moins que le service de l’intérêt général. Et c’est dans cet esprit que nous changerons » : cette partie du discours de la maire de Marseille renonçant à son mandat a été la moins commentée dans les gazettes. Pourtant, cette nouvelle façon d’envisager le pouvoir pourrait donner un nouveau souffle à la politique.
Michèle Rubirola a expliqué sa décision à la presse le 15 décembre avec sincérité. En parlant davantage de l’équipe municipale, du « printemps marseillais » que d’elle-même. En employant plus souvent « nous » que « je ». En expliquant que, depuis sa prise de fonctions beaucoup de choses ont rendu la tâche de maire encore plus lourde que ce qu’elle avait pu anticiper. Avec la crise sanitaire, la crise économique et les souffrances sociales qui s’aggravent, la découverte de l’état des finances de la ville bien pire que ce qu’elle avait imaginé, et des soucis de santé qui ont « limité l’énergie que je peux donner».
Il faudrait, a-t-elle dit, consacrer 300 % de son énergie à sa ville, elle ne peut y consacrer que 150 %. Elle fait un parallèle avec son métier : « je suis médecin, pas urgentiste. » Alors elle préfère passer le relais à celui qui dans l’équipe aura les 300 % d’énergie nécessaire.
Car dit-elle : « les Marseillaises et les Marseillais ont élu une équipe. Il n’y a pas en politique de femme ou d’homme providentiel. Nous sommes une équipe et celui ou celle qui la mène doit être celui qui correspond le mieux au moment. Notre ville a choisi un collectif, un projet plus qu’un visage » Et d’expliquer qu’elle n’a pas été élue « pour occuper un bureau ni pour jouir d’une place et de ses attributs. Je n’ai jamais cherché le pouvoir pour lui-même. Je suis une militante et porteuse de projets. » Et de préciser : « Je suis bien plus attachée à notre projet qu’à un titre »
Parce qu’elle « mesure ce que cette décision peut avoir d’inhabituel ou de surprenant,» parce que « l’usage voudrait que l’on s’accroche au pouvoir », Michèle Rubirola se sent obligée de se justifier : « J’assume de placer cette réussite collective avant toute considération personnelle. »
Collectif versus verticalité, domination, compétition
Un tel comportement chez une personnalité politique de ce niveau apparaît comme une énigme. Déjà, quelques semaines après son élection, elle n’échappait pas à un procès en incompétence en raison de son faible appétit pour les déclarations intempestives. (lire : LES NOUVELLES ÉLUES ESSUIENT DES PROCÈS EN ILLÉGITIMITÉ)
Cette fois-ci, il lui est reproché, en gros, de n’avoir été qu’une marionnette. Cette militante écolo avait pris la direction de la campagne du « printemps marseillais » pour rassembler la gauche. Un rassemblement que d’autres forces politiques ne pouvaient pas réussir.
Aujourd’hui, elle souhaite que Benoît Payant la remplace à la mairie de Marseille et que le duo qu’elle formait avec celui qui était son premier adjoint, soit inversé. Présenté comme un apparatchik du PS, Payant n’avait aucune chance de faire gagner la gauche s’il avait pris la tête du Printemps marseillais. Le PS traînant trop de casseroles dans la cité phocéenne pour rassembler.
Aujourd’hui, les journaux parlent de « court-circuit » ou de « hold-up » à la mairie de Marseille. Dans les gazettes, la politique politicienne reprend ses droits, l’opposition réclame une nouvelle élection et le discours de Michèle Rubirola qui voulait « prendre soin des marseillais » est oublié au profit de de l’éternel combat de coqs de la politique. Celle qui veut faire de la politique pour les habitants de sa ville est présentée comme une incongruité tandis que ceux qui courent après le pouvoir restent la norme. La dynamique collective défendue par Michèle Rubirola ressemble à une énigme face aux normes de domination, de verticalité et de compétition pour le pouvoir.
son discours sur BFM